Page:Dickens - Le Mystère d'Edwin Drood, 1880.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Aussi bien dit que le doyen aurait pu dire ! Découpez, Jack. Moi, je ne suis bon à rien. »

Le silence s’établit et ne fut guère troublé pendant le temps consacré à expédier ce repas.

Enfin on enleva la nappe, on plaça sur la table une assiette de noix et un flacon de sherry de la plus riche couleur.

« Dites-moi donc, Jack, demanda tout à coup le jeune homme, est-ce que réellement et sincèrement il vous semble que notre lien de parenté puisse être une barrière entre nous ? Je ne le crois pas, moi.

— Oui, selon la règle ordinaire, Ned, dit Jack. Les oncles sont presque toujours bien plus âgés que leurs neveux.

— Bah ! dit Ned, la règle ordinaire ! Et qu’est-ce que la différence d’une douzaine d’années ? Dans les familles nombreuses on voit aussi des oncles plus jeunes que leurs neveux. Par saint George, je voudrais que ce fût votre cas vis-à-vis de moi.

— Pourquoi, s’il vous plaît ?

— Parce que s’il en était ainsi, je saurais bien vous amener à être sage. Je voudrais chasser les soucis qui font blanchir vos cheveux quand vous êtes si jeune, et qui feront descendre un jeune vieillard dans la tombe. Jack, ne buvez pas.

— Pourquoi ne point boire ?

— Le demandez-vous ?… C’est le jour de naissance de Pussy et déjà vous l’oubliez. Nous ne devons boire qu’aux longs et nombreux retours de cet anniversaire. À Pussy, Jack ; puisse-t-elle mener lentement une douce vie ! »

Jasper pressa la main du jeune homme et but en silence.

« Hip…, hip… hip !… s’écria Ned, et ainsi jusqu’à la centaine, Hooray !… Hooray !… Hooray !… Et maintenant, Jack, parlons un peu de Pussy. Il y a deux casse-noisettes, donnez-m’en un et prenez l’autre. Crac. Comment va Pussy, Jack ?

— Pour sa musique ?… Très-bien.

— À la bonne heure, Jack ; mais je le savais bien, et que Dieu vous bénisse. Elle est un peu inattentive pourtant, n’est-ce pas ?

— Elle pourrait tout apprendre, si elle le voulait.