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Il connaissait chaque trou, chaque recoin du lit de ces eaux profondes.

Il plongea et replongea jusqu’au moment où il ne put plus supporter le froid.

Il espérait trouver le corps, il ne trouva qu’une épingle de chemise qui s’était fichée dans la vase.

En possession de la montre et de l’épingle, il retourna à Cloisterham, prit avec lui Neville Landless et se rendit directement chez le maire.

M. Jasper fut mandé ; il reconnut la montre et l’épingle.

Neville fut détenu.

Les bruits les plus malveillants sur sa fatuité et sur sa farouche et monstrueuse méchanceté s’élevèrent contre lui.

Il était, disait-on, d’une nature si vindicative et si violente, que sans sa pauvre sœur, qui seule avait de l’influence sur lui, il serait tombé chaque jour sous le coup d’une accusation de meurtre.

Avant de venir en Angleterre, il avait fait fouetter, jusqu’à ce que mort s’ensuivît, plusieurs nègres.

Il avait presque fait mourir de chagrin Mme Crisparkle et juré de faire descendre « ses cheveux blancs dans la tombe. »

Ces expressions originales étaient de M. Sapsea.

Il avait plusieurs fois répété qu’il aurait la vie de ce pauvre M. Crisparkle, d’autres disaient même la vie de tous ses semblables.

Il s’était promis de demeurer le seul homme vivant sur terre.

Cependant, il avait été amené de Londres à Cloisterham par un éminent philanthrope, et pourquoi ?

Parce que ce philanthrope…

Eh ! les plus éminents, les plus charitables des hommes peuvent bien avoir peur quelquefois.

Celui-ci avait préféré mettre en danger la vie du chanoine que d’exposer plus longtemps la sienne.

Ces grossières bordées de calomnies et de contes bleus ne pouvaient frapper mortellement Neville.

Mais il avait également à supporter le tir exercé d’armes plus précises.