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chez M. Jasper, ne s’effaça pas même devant cette déclaration inattendue.

Il pâlit, mais il répéta qu’il voulait se cramponner à l’espérance, et que si l’on ne trouvait nulle trace de son cher enfant et nul indice dont on pût induire qu’un crime l’avait fait disparaître, il conserverait jusqu’aux dernières limites du possible, l’idée qu’Edwin s’était éloigné de sa propre volonté.

M. Crisparkle sortit de cette conférence l’esprit encore inquiet et très-préoccupé au sujet de Neville, qu’il gardait pour ainsi dire comme prisonnier dans sa maison.

Il se mit à errer solitairement dans la nuit.

Machinalement, il se dirigea vers l’écluse de Cloisterham.

Il faisait fréquemment cette promenade, et l’on peut dire que ses pas avaient pris naturellement cette direction plutôt qu’une autre.

Mais sa préoccupation était si forte, qu’il ne fit aucune attention aux lieux qu’il traversait, et il n’eut conscience qu’il était près de l’écluse qu’en entendant le bruit produit par la chute de l’eau.

Comment était-il venu là ?

Ce fut la première pensée qui lui vint.

Pourquoi y était-il venu ?

Ce fut la seconde.

Puis il s’arrêta pour écouter attentivement le bruit de l’eau.

Les étoiles brillaient au ciel.

L’écluse était à deux grands milles au-dessus de l’endroit où les deux jeunes gens étaient venus observer la tempête.

Aucune recherche n’avait été poussée jusque-là, car le courant y était fort et rapide, et les endroits où il était le plus probable de rencontrer un cadavre, si un fatal accident était arrivé, se trouvaient être plutôt à la marée montante et descendante, entre ce lieu et la mer.

L’eau passait par-dessus l’écluse, avec son fracas habituel, par cette nuit froide et constellée.

Tout à coup M. Crisparkle eut l’étrange idée qu’il y avait quelque chose d’inaccoutumé dans l’aspect de ce lieu.