Page:Dickens - Le Mystère d'Edwin Drood, 1880.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nière lente avec laquelle M. Grewgious avait détaché son regard du feu pour le diriger sur le visage de Jasper, aurait eu en tout autre temps le don de l’exaspérer.

Mais, dans l’accablement où il était, il dit simplement :

« Du jeune homme soupçonné.

— Le soupçonnez-vous vraiment ? demanda M. Grewgious.

— Je ne sais que penser… je n’ai pas d’idée arrêtée.

— Ni moi non plus, dit M. Grewgious. Mais comme vous parlez de lui en disant : « Le jeune homme soupçonné », je pensais que vous aviez votre opinion faite. Je quitte à l’instant Mlle Landless.

— Dans quel état est-elle ?

— Elle brave tous les soupçons ; elle a une confiance sans bornes en son frère.

— Pauvre fille !

— Quoi qu’il en soit, poursuivit M. Grewgious, ce n’est pas pour vous parler d’elle que je suis venu. C’est pour vous parier de ma pupille. J’ai une communication à vous faire qui vous surprendra. Quant à moi, du moins, j’en ai été fort surpris. »

Jasper, en poussant un soupir, se retourna péniblement sur son siège.

« Dois-je remettre cette communication à demain ? dit M. Grewgious. Réfléchissez, je vous en avertis encore, elle est de nature à vous étonner beaucoup. »

Une vive expression d’attention et de curiosité se montra dans les yeux de John Jasper, lorsqu’il vit M. Grewgious s’essuyer la tête et regarder le feu, mais en serrant les lèvres d’un air déterminé.

« De quoi s’agit-il donc ? demanda-t-il en se redressant complètement sur son siège.

— Il est sûr, dit M. Grewgious avec une provocante lenteur, comme s’il se parlait à lui-même, que j’aurais pu le savoir plus tôt ; Rosa m’a fait une ouverture à ce sujet. Mais je suis un homme si anguleux que jamais cette idée ne m’était venue, je regardais tout comme convenu sans retour.

— Mais de quoi s’agit-il ? » répéta Jasper. M. Grewgious ouvrant et fermant alternativement cha-