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Ils firent alors une chose étrange.

Quatre seulement d’entre eux passèrent, quatre autres ralentirent le pas et s’arrêtèrent comme s’ils avaient l’intention de suivre encore Neville lorsqu’il se serait remis en marche, et le reste de la bande, une demi-douzaine de personnes à peu près, retournèrent sur leurs pas et s’éloignèrent rapidement.

Il regarda les quatre hommes qui étaient devant lui, puis les quatre qui étaient derrière, et tous lui rendirent regard pour regard.

Il se remit à marcher ; ceux qui étaient devant l’imitèrent, en regardant sans cesse derrière eux.

Les quatre de l’arrière-garde le serrèrent de près.

Lorsqu’ils débouchèrent tous de l’étroit sentier sur le versant de la colline, ils maintinrent le même ordre de marche ; il s’aperçut que, de quelque côté qu’il dirigeât ses pas, ils y allaient avec lui.

Il était sans nul doute gardé à vue par ces individus.

Il s’arrêta, pour faire une dernière épreuve ; tous s’arrêtèrent.

« Pourquoi vous attachez-vous ainsi à mes pas ? demanda-t-il à toute la bande. Que voulez-vous de moi ?

— Ne lui répondez pas ! dit l’un d’eux. (Il ne put voir lequel avait parlé.) Il vaut mieux rester tranquilles.

— Il vaut mieux rester tranquilles ? répéta Neville. Qui a dit cela ?… »

Personne ne répondit.

« C’est un bon conseil), quel que soit celui qui l’a donné, reprit-il ; puis il continua avec colère : Je n’entends pas rester ainsi prisonnier entre quatre hommes devant moi et quatre hommes derrière. Je veux passer, entendez-vous ? »

Ils s’étaient tous arrêtés, quand il s’était arrêté lui-même.

« Si huit hommes se mettent contre un seul, ajouta-t-il de plus en plus animé, celui qui est seul n’a pas d’autre chance que de faire du moins porter ses marques à l’un de ses adversaires. Et, pour Dieu ! c’est ce que je ferai si vous me barrez plus longtemps le chemin. »

Levant son lourd bâton, il fondit sur les quatre hommes placés devant lui.