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six pence et je me tirerai très-bien d’affaire, je retournerai à Londres. Si vous me donnez ces trois shillings et ces six pence, je vous dirai quelque chose.

Il compte la monnaie qu’il a dans sa poche et la lui met dans la main.

Elle referme la main sur l’argent, se dresse sur ses pieds, et fait entendre un éclat de rire discordant.

« Que Dieu vous bénisse ! Écoutez-moi bien, cher monsieur, quel est votre nom de baptême ?

— Edwin.

— Edwin… Edwin… Edwin… répéta-t-elle en traînant sur les mots comme une personne engourdie par le sommeil, puis elle lui demanda tout à coup : — Le diminutif de ce nom n’est-il pas Eddy ?

— On m’appelle quelquefois ainsi, répond-il en rougissant.

— N’est-ce pas une bien-aimée qui vous appelle ainsi ? demande-t-elle en ayant l’air de réfléchir.

— Que voulez-vous dire ?

— N’avez-vous pas une bien-aimée au fond du cœur ?

— Aucune bien-aimée. »

Déjà elle faisait un mouvement pour s’éloigner, après un nouveau : « Dieu vous bénisse, merci, mon bon monsieur ! » mais il ajouta :

« Vous deviez me dire quelque chose. Vous ne tenez point votre promesse.

— Je vais la tenir… je vais la tenir Eh bien, donc, murmura-t-elle, remerciez le ciel de ce que votre nom n’est pas Ned. »

Il attacha sur elle un regard attentif, et lui demanda :

« Pourquoi ?

— Parce que c’est un mauvais nom pour le moment actuel.

— Comment, un mauvais nom ?

— Un nom menacé… un nom dangereux.

— Le proverbe dit que les hommes menacés vivent longtemps, lui répliqua-t-il d’un ton léger.

— Alors Ned, menacé comme il l’est, en quelque lieu qu’il se trouve, pendant que je suis là et que je vous parle, mon bon monsieur, Ned doit vivre toute une éternité ! »