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pour le présent, peut ne pas être une règle pour l’avenir. Je mets votre montre à deux heures vingt minutes, monsieur Edwin ; permettez-moi de vous recommander de ne pas la laisser tomber par terre. »

Edwin prend sa montre, la met dans son gousset et sort en se disant :

« Ce cher vieux Jacques ! il a remarqué que je n’aime pas les bijoux. Si je faisais un pli de plus à ma cravate, il s’en apercevrait bien ! »

Il se promena de côté et d’autre pour passer le temps jusqu’à l’heure du dîner.

Il lui arrivait par moment de trouver que la vieille ville de Cloisterham prenait des airs fâchés contre lui et semblait lui dire :

« Je sais bien, toi, qu’on ne te verra plus ! »

Il était triste et point du tout irrité ; son insouciance habituelle avait disparu ; il jetait un regard attentif sur tous ces vieux monuments, sur les vieilles bornes même de la route.

« Oui, je serai bientôt loin d’ici, pensait-il, peut-être ne reverrai-je jamais Cloisterham. Ma pauvre jeunesse !… ma pauvre jeunesse !… »

Lorsque le jour baissa, il traversa la vigne des moines.

Il avait erré pendant une grande heure au bruit du carillon de la cathédrale et l’obscurité s’était faite avant qu’il ne se fût aperçu de la présence d’une vieille femme accroupie par terre dans un coin, près du guichet de la grille.

Cette grille s’ouvre sur un petit passage peu fréquenté quand vient le soir, et la vieille femme pouvait bien être là, sans qu’il l’eût vue, depuis le commencement de sa promenade.

Il s’engagea dans ce passage et marcha jusqu’au guichet.

À la clarté d’une lanterne placée près de là, cette femme lui apparut avec un air hagard.

Bon menton ridé reposait sur ses mains et ses yeux ouverts, aux paupières immobiles, regardaient devant elle avec la fixité des yeux d’aveugles.

Toujours bon, mais enclin ce soir-là à une bonté plus expansive, Edwin s’était déjà plusieurs fois arrêté pour