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Il promit de lui écrire tous les deux jours et de lui raconter toutes ses aventures.

« As-tu envoyé ton bagage à l’avance ?

— Non, chère Helena, c’est un voyage de pèlerin avec la besace et le bâton ; ma besace… ou plutôt mon havresac est tout prêt, il n’y a plus qu’à le boucler, et voici mon bâton. »

Il le lui mit dans la main, elle fît la même remarque que Crisparkle, qu’il était bien lourd, et elle le lui rendit en lui demandant de quel bois il était fait ?

« Il est en bois de fer, » dit-il.

Jusqu’à ce moment Neville avait été extrêmement joyeux.

Peut-être l’idée d’avoir à exposer son projet à sa sœur, et, par conséquent, à le lui présenter sous son aspect le plus brillant ; avait-elle surexcité son esprit ?

Peut-être la chose faite, faite avec succès, éprouva-t-il une réaction ?

Mais, quand le jour baissa et que les lumières de la ville commencèrent à s’allumer, il parut tout à coup fort accablé.

« Je voudrais n’être pas obligé d’aller à ce dîner ce soir, Helena.

— Cher Neville, cela vaut-il la peine de te tant inquiéter ? Pense combien cela sera vite passé.

— Comme cela sera vite passé ! répète-t-il tristement. Oui, mais je n’aime pas ce dîner.

— Il pourra bien y avoir un moment d’embarras, observe-t-elle gaiement, mais encore une fois, ce sera l’affaire d’un instant. Il est sûr de lui.

— Je désirerais être aussi sûr de toute autre chose que je le suis de moi-même.

— Comme tu parles d’une manière étrange, cher frère… Que veux-tu dire ?

— Helena, je n’ai rien à dire. Tout ce que je sais, c’est que je n’aime pas ce dîner. Quelle lourdeur mortelle il y a dans l’air ! »

Elle appela son attention sur les nuages cuivrés qui s’amoncelaient au delà de la rivière et lui dit que le vent s’élevait.