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distance, mais tu comprendras dans un moment que je dois pourtant revenir sur ce que j’appellerai ma folie.

— Ne ferais-tu pas mieux d’éviter cela, Neville ?… Tu sais que je ne veux rien entendre ?

— Tu peux entendre, ma chère, ce qu’a entendu M. Crisparkle, en y donnant son approbation.

— Oui, je puis aller jusque-là.

— Eh bien ! voilà ce dont il s’agit : non-seulement je suis inquiet et malheureux moi-même, mais j’ai la conscience que je suis un sujet d’inquiétude et de gêne pour d’autres. Ne sais-je pas que sans ma malheureuse présence, toi et… et le reste de ceux qui composaient notre première réunion, notre gracieux tuteur excepté, pourraient dîner demain joyeusement au Coin du Chanoine ? En vérité, il est fort probable qu’il en serait ainsi. Il ne m’est que trop aisé de voir que je ne suis pas bien haut placé dans l’opinion de la vieille dame, et il ne m’est pas difficile de comprendre quel fâcheux embarras j’apporte dans l’hospitalité de sa maison si bien ordonnée, surtout à cette époque de l’année. Je dois me tenir éloigné de telle personne que tu sais, et il y a des raisons pour que je ne sois pas mis en contact avec telle autre. La réputation défavorable qu’on m’a faite prévient encore contre moi telle autre personne. J’ai délicatement exposé tout ceci à M. Crisparkle. Tu connais son abnégation et sa nature généreuse. Le point sur lequel j’ai surtout insisté, c’est que je suis engagé dans un misérable combat avec moi-même, et qu’un petit voyage, une petite absence peuvent me permettre d’en sortir plus facilement. Ainsi, le temps étant beau et froid, je me dispose à entreprendre cette excursion pédestre et j’ai l’intention de me tenir isolé de tout le monde et de moi-même, je l’espère, en partant demain matin.

— Pour revenir quand ?

— Dans une quinzaine.

— Et tu pars tout seul ?

— Je l’aime mieux ainsi, alors même que je trouverais quelqu’un qui fût disposé à supporter ma société, ma chère Helena.

— M. Crisparkle donne un entier assentiment à ce projet, dis-tu ?