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de s’affranchir immédiatement des leçons de son maître de musique ; quant à Edwin, il était déjà tourmenté par l’idée vague (devait-elle le quitter désormais ?) qu’il aurait été plus doux d’être fiancé à Mlle Landless qu’à Rosa.

Ce jour de brillante gelée arrivait à son déclin.

Le soleil se couchait derrière eux dans la rivière, et la vieille cité, colorée d’une teinte rouge par ces beaux rayons déclinants, s’étendait sous leurs yeux.

Leur promenade touchait à son terme.

L’eau mugissante apportait à leurs pieds des herbes marines, et les corneilles, qui voltigeaient autour d’eux, tachetaient de places plus sombres l’azur déjà pâli du ciel.

« Je préparerai Jacques à mon prompt départ, dit Edwin à voix basse ; je verrai votre tuteur dès son arrivée, et je partirai avant que l’entretien qu’ils doivent avoir ensemble ait eu lieu. Il vaudra mieux que je ne sois plus ici… Ne le pensez-vous pas ?

— Si fait.

— Nous avons la conscience d’avoir bien agi, n’est-il pas vrai, Rosa ?

— Oui.

— Nous sentons que nous nous en trouvons mieux dés à présent !

— Et nous nous en trouverons mieux encore par la suite. »

Cependant, il y avait un reste de tendresse dans leurs cœurs ; ils ne pouvaient oublier leurs longues fiançailles et c’est ce qui leur faisait retarder le moment de leur séparation.

Quand ils arrivèrent sous les ormes près de la cathédrale, à l’endroit où ils s’étaient assis lors de leur dernier entretien, ils s’arrêtèrent comme d’un commun accord, et Rosa tendit son visage à Edwin plus volontiers qu’elle ne l’avait fait aux anciens jours, car déjà les semaines précédentes étaient passées à l’état d’anciens jours.

« Dieu vous protège, cher Eddy !… adieu !…

— Dieu vous protège, chère Rosa ! adieu ! »

Et ils s’embrassèrent tous deux avec effusion.

« Maintenant, je vous prie, ramenez-moi à la maison, Eddy, et laissez-moi à moi-même.