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Pourquoi lui montrer ce qui n’était plus que le signe représentatif de joies détruites, de projets édifiés sur une base fragile ?

Dans sa bonté même, cette bague, comme l’avait dit le plus étonnant des hommes, était presque la satire des amours, des espérances et des projets de l’humanité, toujours si périssables et si fragiles.

« Qu’elle reste où elle est, dit Edwin tout bas. Je la rendrai au tuteur. »

Edwin pensa que M. Grewgious la réintégrerait dans le tiroir d’où il l’avait tirée avec tant de répugnance, et qu’elle resterait là parmi de vieilles lettres d’amour peut-être ou d’autres vieux souvenirs, et de vieux gages d’anciennes aspirations réduites à néant, oubliée jusqu’au moment où l’on se rappellerait sa valeur réelle, et qu’elle serait vendue et remise en circulation pour servir à d’autres fiançailles sans doute.

« Qu’elle reste où elle est, là, sans qu’il en soit parlé, sur ma poitrine. »

Telles étaient les pensées distinctes ou indistinctes qui avaient passé par l’esprit d’Edwin.

Il était bien loin de se douter qu’en ce moment il rivait la chaîne qu’il croyait avoir rompue tout à l’heure.

Les deux jeunes gens se promenaient sur le bord de la rivière.

Ils commencèrent à parler chacun de leurs projets.

Edwin hâterait son départ d’Angleterre, Rosa resterait où elle était, tout au moins tant qu’Helena Landless y prolongerait son séjour.

On préparerait doucement les pauvres chères filles au désappointement qui les attendait.

Comme premier préliminaire, Mlle Twinkleton devait recevoir la confidence de Rosa, avant même la venue de M. Grewgious.

Il serait clair pour tous qu’elle et Edwin Drood restaient les meilleurs amis du monde.

En effet, jamais il n’avait existé un plus complet accord entre eux depuis qu’ils avaient été fiancés l’un à l’autre.

Et, pourtant, de part et d’autre, il y avait une réserve.

De son côté, Rosa méditait, avec l’aide de son tuteur,