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Il lui semblait que cela devait être de si peu d’intérêt pour M. Jasper !

« Ma chère enfant, reprit Edwin, pouvez-vous supposer qu’une personne aussi coiffée d’une autre (le mot est de Mme Tope et non de moi) que Jacques l’est de votre ami, puisse ne pas être frappée comme d’un coup de massue, par le changement soudain et complet qui survient dans ma vie ? Je dis soudain, car ce changement le sera pour lui, vous comprenez bien. »

Elle secoua deux ou trois fois la tête, ses lèvres s’ouvrirent, mais aucun son n’en put sortir et sa respiration ne se ralentit pas.

« Comment annoncer cela à Jacques ? » dit Edwin en ruminant.

S’il eût été moins absorbé par ses pensées, il se serait aperçu de l’étrange émotion de Rosa.

« Je n’ai jamais pensé à Jacques, continua-t-il ; cependant, il faut qu’il soit instruit de tout ceci avant le crieur de la ville. Je dîne avec ce cher garçon demain et après demain, veille de Noël, mais il n’est pas nécessaire de lui gâter ces jours de fête. Il est toujours prêt à se tourmenter à mon sujet et à donner de l’importance à de pures bagatelles. Cette nouvelle l’accablera, c’est certain ; comment diable la lui communiquer !

— Il faut qu’une autre personne l’avertisse, dit Rosa.

— Chère Rosa, qui doit être mis dans notre confidence, excepté Jacques ?

— Mon tuteur a promis de se rendre ici, si je lui écrivais pour le lui demander. Je vais lui écrire. Vous plairait-il de le charger de cette mission ?

Magnifique idée ! s’écria Edwin, le second exécuteur testamentaire, rien de plus naturel. Il vient ici, il va voir Jacques, il lui apprend ce que nous avons décidé, et le met au courant beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire nous-mêmes. Il vous a déjà parlé avec une grande délicatesse de sentiment, il m’a parlé de même et il exposera toute l’affaire à Jacques avec tous les ménagements convenables. C’est cela ! Je ne suis pas un lâche, Rosa, mais, pour vous dire la vérité, entre nous, j’ai un peu peur de Jacques.