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— Vous êtes un bon garçon ! Eddy, soyons courageux ; devenons frère et sœur, à partir de ce jour.

— Jamais mari et femme ?

— Jamais ! »

Ni l’un ni l’autre ne reprit la parole pendant quelques instants.

Mais après ce moment de silence, Edwin dit avec un peu d’effort :

« À la vérité, je sais que nous avions cette pensée dans l’esprit tous les deux, Rosa, et je me crois obligé d’honneur à vous avouer franchement que ce n’est pas vous qui l’avez eue la première.

— Ni vous non plus, cher, répliqua Rosa avec un accent sérieux et pathétique. Cette pensée s’est élevée en même temps en nous deux. Vous n’êtes pas véritablement heureux de votre engagement. Je n’en suis pas réellement heureuse non plus. Oh ! j’ai tant de chagrin… tant de chagrin ! »

Et elle fondit en larmes.

« Je suis aussi profondément peiné, Rosa, profondément affligé pour vous.

— Et moi pour vous, mon pauvre ami, et moi pour vous ! »

Ce sentiment de pure tendresse et de douce indulgence que les jeunes gens éprouvèrent alors l’un envers l’autre amena avec lui sa récompense, en leur faisant voir plus clairement leur situation réciproque.

Les relations entre eux n’avaient plus rien de bizarre et de capricieux, grâce à un nouveau parti qu’ils prenaient l’un envers l’autre, elles y avaient gagné quelque chose de plus facile, de plus honorable, de plus affectueux, et de plus sincère.

« Si nous avions su plus tôt ! dit Rosa en essuyant ses yeux. Ce n’est pas d’hier que nous sentons notre embarras et que nous ne nous trouvons pas bien des choses établies entre nous, sans notre assentiment. Aujourd’hui nous voyons bien que nous n’avons rien de mieux à faire que de les changer. Il est naturel pourtant que nous en éprouvions du chagrin et vous voyez combien nous sommes attristés tous les deux, mais combien il vaut mieux que nous soyons chagrins maintenant que…