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Mais quand ils arrivent au point où de longues lignes de lumière se projettent entre les piliers, Durdles devient si incertain dans sa marche et dans ses discours qu’il tombe.

Le voilà au pied d’un lourd pilier, à peine aussi lourd que lui-même et il demande à son compagnon, d’une voix éteinte, de lui permettre de fermer l’œil un instant.

Il n’appelle point cela le fermer ; il dit :

« Permettez à Durdles de cligner de l’œil un peu. »

Locution d’ivrogne.

« Faites !… réplique Jasper, je ne vous laisserai pas seul ici… Dormez donc, je me promènerai. »

Durdles s’endormit à l’instant et pendant son sommeil il fit un rêve.

N’est-ce rien de plus qu’un rêve ?

Si l’on considère la vaste étendue du pays des songes et ses productions variées et merveilleuses, celui-ci n’est remarquable que parce qu’il est plus agité et plus près d’être réel que ne le sont ordinairement les rêves.

Durdles songe qu’il est couché là… il y est, en effet… qu’il dort, et que pourtant il compte les pas de son compagnon qui se promène.

Il rêve que les pas se perdent dans l’éloignement par intervalle, et que quelque chose le touche, et que quelque chose tombe de sa main.

Puis il entend un son prolongé : on cherche à tâtons autour de lui, et il rêve qu’il demeure seul pendant bien longtemps et que les raies de lumière prennent une direction différente, à mesure que la lune avance dans sa course.

Puis il se sent anéanti, brisé ; il rêve qu’il éprouve un malaise causé par le froid, et il s’éveille.

La lumière de la lune a bien changé de direction, mais elle lui montre encore Jasper qui se promène en battant des mains et en frappant des pieds sur le sol.

« Holà ! s’écrie Durdles, alarmé sans savoir pourquoi.

— Êtes-vous enfin éveillé ? dit Jasper. Savez-vous que vos clignements d’yeux ont duré longtemps ?

— Longtemps ?… non…

— Je vous assure que si.

— Quelle heure est-il ?