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« Cette bague fut un présent fait par son mari à la jeune dame qui s’est noyée au début de son heureuse et belle carrière. Elle lui a été donnée le jour où ils ont engagé leur foi l’un à l’autre. C’est lui qui la retira plus tard de sa main inerte… C’est lui qui, lorsqu’il sentit l’approche de la mort, la remit en mes mains. Ce dépôt m’a été confié, à votre intention, afin que vous et Mlle Rosa étant devenus, vous un homme, elle une femme, et votre projet d’alliance persistant malgré les années, je vous remette cette bague, que vous passerez à son doigt. Dans le cas où cette union désirée ne pourrait s’accomplir, le bijou doit rester en ma possession. Les choses ont ainsi été réglées, monsieur Drood. »

Quelque trouble se montra sur le visage du jeune homme et il y eut une sorte d’hésitation dans le mouvement de sa main, lorsque M. Grewgious le regarda fixement en lui présentant la bague.

« Ce présent, qui est un souvenir, dit M. Grewgious, doit être aussi, pensez-y bien, le sceau de la stricte fidélité, que vous jurerez à la vivante et aux volontés de la morte. Vous vous rendrez auprès de votre fiancée, pour achever les derniers et irrévocables préparatifs de votre mariage. Emportez donc cette bague. »

Le jeune homme prit le petit écrin.

« S’il survenait quelque désaccord même léger entre vous… si vous aviez secrètement conscience que vous vous décidez à franchir ce pas redoutable, sans autre raison plus sérieuse, qu’une longue habitude de considérer qu’il en doit être ainsi parce que c’est réglé à l’avance… je vous adjure encore, au nom de la vivante et de la morte, de me rapporter cette bague ! »

En cet instant Bazzard fut réveillé par le bruit qu’il faisait lui-même en ronflant.

Comme il arrive habituellement en pareil cas, il se mit à regarder dans le vide ayant peur que son air égaré ne l’accusât d’avoir dormi, s’il regardait son patron.

« Bazzard ! dit M. Grewgious d’une voix plus rude que jamais.

— Je vous écoute, monsieur, dit Bazzard, et je n’ai pas cessé de vous écouter