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Le brouillard qu’il avait apporté avec lui et celui dont il s’était débarrassé en quittant son pardessus et le châle qui entourait son cou, toutes ces haleines humides s’évaporèrent bientôt sous l’action d’un feu ardent.

« Ma foi ! dit Edwin en riant, je suis bien ici, je veux y rester,

— Eh bien ! s’écria M. Grewgious, rester donc ! Le brouillard sera peut-être dissipé dans une heure ou deux. Nous pouvons nous faire apporter à dîner de l’autre côté d’Holborn. Ce que vous avez de mieux à faire, c’est de prendre votre poivre de Cayenne ici. Il vaut mieux que celui du dehors. Je vous en prie, acceptez à dîner.

— Vous êtes bien bon, dit Edwin en regardant autour de lui, comme alléché par une proposition après tout assez séduisante.

— Pas du tout, dit M. Grewgious, c’est vous qui êtes bon de vous joindre à un vieux garçon et de courir la fortune du pot dans son logis !… J’inviterai, ajouta M. Grewgious en baissant la voix et en clignant les yeux comme s’il lui était venu la plus heureuse inspiration, j’inviterai Bazzard. Si je l’oubliais, il pourrait en éprouver du déplaisir. Bazzard ! »

Bazzard apparut de nouveau.

« Dînez avec M. Drood et avec moi.

— Si je reçois l’ordre de dîner, naturellement je m’y conformerai, monsieur, répondit le clerc de son air sombre.

— Quel homme ! s’écria M. Grewgious. Mais ce n’est pas un ordre, Bazzard, c’est une invitation.

— Merci, monsieur, dit Bazzard. Dans ce cas, je le veux bien, ou plutôt cela m’est indifférent,

— C’est arrangé. Et peut-être ne verrez-vous pas d’objection, dit M. Grewgious, à traverser la rue pour demander à l’Hôtel Furnival, d’envoyer ce qu’il faut pour mettre le couvert. Pour dîner, nous aurons un potage, le plus chaud et le plus épicé qu’on pourra se procurer, le meilleur plat du jour, un morceau de viande, quelque chose comme une épaule de mouton ; nous aurons ensuite une oie ou une dinde, ou toute autre petite pièce de ce genre, qui se trouvera portée sur la carte ; en un mot, ce qu’on pourra nous donner de mieux. »