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Il s’agitait dans le logis comme une sorte de démon familier qui s’imposait par quelque charme magique, car il était manifeste que M. Grewgious, s’il n’avait écoulé que ses convenances personnelles, eût éprouvé de la satisfaction à se voir débarrassé de lui.

Triste compagnon, qui avait l’air d’avoir séjourné à l’ombre de cet arbre sinistre de l’île dé Java, lequel a abrité plus de mensonges à lui seul que tout le reste du règne végétal.

Néanmoins, M. Grewgious le traitait avec une inexplicable considération.

« Eh bien ! Bazzard, dit au clerc qui entrait M. Grewgious levant les yeux de dessus les papiers qu’il était en train de ranger pour la nuit, qu’y a-t-il dans le vent, outre le brouillard, ce soir ?

— Il y a M. Drood, dit Bazzard.

— Quelles nouvelles de lui ?

— Il est venu. Ne vous l’ai-je pas dit ?

— Vous auriez dû le faire entrer.

— C’est ce que j’ai fait, » dit Bazzard.

Et le visiteur en effet se montra sur le seuil.

« Ah ! s’écria M. Grewgious en jetant un regard sur les deux chandelles qui éclairaient son cabinet. Je pensais que vous aviez seulement laissé votre nom et que vous étiez parti. Comment allez-vous, monsieur Edwin ? Ah ! mon Dieu, vous respirez à peine !

— C’est le brouillard, répondit Edwin ; il pique les yeux comme du poivre de Cayenne, et il m’étouffe.

— Est-il réellement aussi mauvais ce brouillard ? Je vous en prie, défaites votre cache-nez. Heureusement, j’ai un bon feu. M. Bazzard a pris soin de moi.

— Non, je n’ai rien fait pour cela, dit M. Bazzard resté près de la porte.

— Alors il faut donc que ce soit moi qui aie pris soin de moi-même sans y faire attention, dit M. Grewgious. Je vous en prie, asseyez-vous dans mon fauteuil… Non… Si !… Je vous en prie. En sortant d’une pareille atmosphère, un bon fauteuil est une chose nécessaire… »

Edwin prit place dans le fauteuil, au coin de la cheminée.