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et d’un grand poids, reprit Jasper. Je ferai ce que vous me demandez.

M. Crisparkle, enchanté de ce succès rapide et complet, en exprima sa satisfaction dans les termes les plus chaleureux.

« Je ferai ce que vous me demandez, répéta Jasper, uniquement parce que j’ai désormais votre garantie contre certaines frayeurs vagues et mal fondées… Sans doute… Mais… Ne riez pas… Tenez-vous un journal ?

— Une ligne par jour, pas plus.

— Une ligne par jour serait bien suffisante pour une vie aussi dépourvue d’événements que la mienne, fit Jasper en prenant un livre dans un pupitre, mais c’est que mon journal est aussi celui de la vie de Ned. Voyez cette annotation qui vous semblera plaisante. Vous devinerez quand elle a été inscrite.

« Minuit passé.

« Après ce que je viens de voir, j’éprouve intérieurement une crainte mortelle de quelque horrible conséquence funeste pour mon cher enfant ; c’est une appréhension que je ne puis raisonner et dont je ne peux me défendre. Tous mes efforts sont vains. La passion infernale de ce Neville Landless, sa force et sa rage presque meurtrière me font frissonner. Si profonde est l’impression que j’ai ressentie, que deux fois je suis entré dans la chambre de mon cher enfant, afin de m’assurer qu’il dormait ; j’avais presque peur de le trouver gisant mort et baigné dans son sang. »

Voici ce que j’ai inscrit le lendemain matin :

« Ned s’est levé et est parti, le cœur aussi léger et « aussi peu soupçonneux que jamais. Il n’a fait que rire quand je l’ai mis en garde et il m’a dit qu’il était bon pour se défendre contre M. Neville Landless, s’il plaisait à ce jeune furieux de s’attaquer à lui. Je lui ai répondu que c’était possible, mais qu’il n’était pas aussi méchant que son adversaire. Il a continué à traiter