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je vous prie, prenez bien garde à ce que je vais vous dire. Après réflexion et en tenant compte des représentations de votre sœur, je suis disposé à admettre qu’en faisant votre paix avec le jeune Drood, vous avez droit à ce qu’on vous épargne la moitié du chemin. Je vous promets qu’on vous aidera et même que les premières avances seront faites par le jeune Drood. Cette condition remplie, vous me donnerez votre parole de chrétien que la querelle est terminée de votre côté. Les sentiments que vous pourrez avoir au cœur quand vous lui donnerez votre main ne seront connus que de Celui qui lit dans tous les cœurs. Rien de bon ne peut résulter pour vous d’une arrière-pensée de trahison. Assez sur ce sujet. Nous parlerons maintenant de ce que je persiste à appeler votre folie. Il me semble que le secret que vous m’avez confié doit demeurer entre votre sœur et vous-même. Suis-je dans le vrai ? »

Helena répondit à voix basse :

« Il n’est connu que de nous trois, qui sommes ici.

— La jeune personne, votre amie, n’en a nul soupçon ?

— Non, sur mon âme !

— Je vous somme donc de prendre un engagement solennel envers moi, monsieur Neville. Vous allez promettre que cet amour restera caché, et que vous ferez en sorte, et cela très-sérieusement, de l’arracher de votre cœur. Je ne vous dirai point qu’il passera bien vite ; je ne vous dirai pas que c’est par fantaisie d’un moment ; je ne vous dirai pas que de tels caprices naissent et meurent dans les esprits jeunes et ardents comme le vôtre, à toutes les heures le la journée. Je vous laisserai dans la croyance qu’il n’existe peu ou point d’amour qui puisse se comparer avec le vôtre, qu’il vivra longtemps dans votre cœur et que ce n’est qu’avec une difficulté extrême que vous arriverez à le vaincre. J’attache d’autant plus de prix à l’engagement que je vous demande de prendre, qu’il sera pris par vous sans réserve. »

Le jeune, homme essaya deux, ou trois fois de parler, mais la parole expirait sur ses lèvres.

« Je vous laisse avec votre sœur, qu’il est temps de reconduire à la pension, dit M. Crisparkle ; vous me trouverez seul, dans ma chambre, quand vous rentrerez.