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épaules, et les coudes pussent s’y enfoncer, en sortait avec une saveur fondante et semblait avoir subi une transformation saccharine.

Le Révérend Septimus, comme si ce n’était point assez contre lui de l’armoire, devait également se soumettre à l’ingurgitation des nauséabonds trésors du cabinet consacré aux herbes et aux plantes médicinales, placé de même sous la surveillance de la bergère en porcelaine de Saxe.

À quelles surprenantes infusions de gentiane, de menthe poivrée, de giroflée, de sauge, de percepierre, de thym, de romarin, et de pissenlit avait-il dû prêter son courageux estomac !

Dans quels incroyables cataplasmes avait-il dû engloutir sa figure rosée dès que sa mère le supposait menacé d’un mal de dents !

Quels savants emplâtres s’était-il laissé joyeusement appliquer sur la joue et sur le front quand la chère vieille dame lui persuadait qu’elle voyait les apparences d’un imperceptible bouton !

Dans ce pénitencier botanique situé au faîte de l’escalier, il y avait une cellule basse et étroite aux murailles blanchies à la chaux.

Là, des paquets de plantes sèches étaient suspendus au plafond ou étendus sur des planches en compagnie de bouteilles effrayantes.

Le Révérend Septimus supportait tout avec douceur, pareil au fameux agneau qui marche sans résistance au sacrifice ; ne laissant pas même voir qu’il n’obéissait que pour plaire à la vieille dame, il avalait tranquillement ce qu’on lui présentait.

À peine se permettait-il, comme dédommagement, de plonger ses mains et son visage dans les grandes sébilles qui contenaient des feuilles de roses ou de la lavande, puis il s’en allait l’esprit tranquille, aussi confiant dans la vertu des eaux de la rivière de Cloisterham pour entraîner au-dedans de lui toute cette pharmacie maternelle que lady Macbeth l’était peu dans l’efficacité de toutes les mers du globe pour laver la tache du sang sur ses mains.