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tablettes garnies de jarres pour les conserves, de pots de confitures, de boîtes d’étain, de boîtes à épices, et de ces agréables poteries bleues et blanches de fabrique étrangère où l’on renferme les conserves de tamarin et de gingembre.

Chacun de ces aimables vases portait sa destination inscrite sur son ventre.

Les grandes jarres, dans leur partie supérieure, étaient enduites d’un beau brun uniforme ; on aurait cru voir deux parements d’habits croisés et boutonnés sur une poitrine humaine.

Plus bas, sur leur panse, au milieu d’une belle couleur jaune, se détachait majestueusement l’inscription en grosses lettres annonçant que la jarre était habitée par des noix ou des cornichons, des oignons ou des choux-fleurs.

Les pots de confitures étaient recouverts de papier à papillottes, et leur figure extérieure faisait savoir, à l’aide d’une délicate calligraphie féminine, que ces amours de pots logeaient des framboises, des groseilles, des abricots ou des prunes, des gelées de pommes ou des pêches.

Alors la scène friande changeait : le panneau inférieur se levait et laissait voir des oranges auprès d’une grande boîte à sucre pour en tempérer l’acidité, si elles n’étaient pas bien mûres.

Des biscuits fabriqués à la maison siégeaient à cette haute cour à côté d’un reste de gâteau de prunes et d’une pile de doigts de dame, minces et effilés, destinés à être trempés dans les vins de dessert et baisés ensuite comme de vrais doigts.

Tout en bas, dans un compartiment doublé de plomb, reposaient les vins fins et les cordiaux.

De là s’exhalait un doux parfum mélangé de citrons, d’amandes, et de vanille en gousses.

Dans cette armoire des armoires de grosses, de vénérables abeilles bourdonnant aussi fort que de petites cloches semblaient avoir déposé leur miel pendant des siècles.

Tout ce qui avait été enfoui sur ces profondes tablettes, assez profondes, comme on l’a dit, pour que la tête, les