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pressant la main de Jasper, au moment de le quitter, Dieu les bénisse tous les deux.

— Dieu les sauve ! s’écria Jasper.

— J’ai dit : Qu’il les bénisse ! fit observer le premier, en retournant brusquement la tête.

— J’ai dit : Qu’il les sauve ! reprit le second. Voyez-vous à cela quelque différence ? »



CHAPITRE X

Efforts pour aplanir la route


On a souvent remarqué que les femmes ont une curieuse aptitude à deviner le caractère des hommes ; aptitude purement instinctive, car elles jugent sans ce patient enchaînement de preuves et de motifs qui peut seul donner une garantie satisfaisante d’un bon jugement ; d’ordinaire elles se prononcent même avec la plus excessive confiance en elles-mêmes et si quelques objections leur sont présentées par l’autre sexe elles les repoussent fièrement.

Cette faculté de divination, faillible comme toutes les facultés humaines, est la plupart du temps absolument incapable de se contrôler elle-même, et lorsqu’une femme a exprimé une opinion défavorable, toutes les lumières humaines essaieraient ensuite de lui démontrer que cette opinion est mal fondée, qu’elle n’en resterait pas moins inébranlable dans sa façon de voir, inflexible dans sa détermination de ne pas revenir sur sa première idée.

Bien plus, la seule possibilité de la plus faible contradiction, de la réfutation la plus timide engendre neuf fois sur dix, dans les jugements féminins, cette sorte d’acharnement qui entache les témoignages intéressés, tant une belle devineresse s’attache fortement à son erreur et passionnément à ses propres finesses.

« Ne penses-tu pas, chère maman, dit le chanoine