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les deux orphelins se trouvaient dans la situation où nous les avons trouvés au commencement de ce récit.

L’atmosphère de pitié qui avait environné la petite orpheline à son arrivée à Cloisterham, loin de se dissiper, avait pris des nuances plus brillantes à mesure que l’enfant grandissait et devenait plus rieuse et plus jolie.

Sa destinée avait pris des tons dorés, des tons de rose et d’azur ; mais Rosa devait toujours son plus grand charme au doux éclat qui lui était propre.

Le désir de chacun de la consoler et de lui prodiguer des caresses avait eu pour résultat de la faire traiter comme une enfant gâtée, et l’habitude de la cajoler avait persisté depuis qu’elle n’était plus une enfant.

C’était à qui serait son amie dans le pensionnat, à qui serait la première à lui faire tel ou tel petit cadeau, ou à lui rendre tel petit service ; c’était à qui l’emmènerait dans sa famille aux jours de fête, à qui lui écrirait le plus souvent, aux époques de séparation, à qui paraîtrait plus heureuse de la revoir au retour.

Les gracieuses rivalités elles-mêmes n’étaient pas sans susciter de petites querelles dans la Maison des Nonnes.

Heureuses les pauvres religieuses cloîtrées d’autrefois si elles n’avaient pas eu de plus rudes combats à soutenir sous leurs voiles et leurs rosaires !

C’est ainsi que Rosa avait grandi et qu’elle était devenue cette aimable petite créature, étourdie, volontaire et sympathique ; gâtée en ce sens qu’elle comptait sur l’indulgence de tous ceux qui l’entouraient, mais non en ce sens qu’elle fût capable de payer cette indulgence d’ingratitude.

Elle avait, au contraire, dans le cœur une source inépuisable d’affection dont les eaux jaillissantes avaient rafraîchi et fait la joie de la Maison des Nonnes pendant bien des années et jamais n’avaient été troublées.

Qu’arriverait-il si le trouble se produisait ?

Quels changements allaient s’opérer dans cette tête insoucieuse et dans ce cœur mobile ?

Comment le bruit d’une querelle qui avait eu lieu à une heure fort avancée de la soirée entre les deux jeunes gens et qui avait été suivie d’une espèce de tentative