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Il revint donc au Coin du Chanoine et frappa doucement à la porte.

Il entrait dans les habitudes de M. Crisparkle de rester le dernier levé dans sa maison, où tout le monde se couchait de bonne heure ; il jouait alors du piano en étudiant 1 la partie qu’il devait chanter dans les morceaux de musique vocale.

Le vent du sud, quand il souffle dans la direction du Coin du Chanoine, au milieu du silence de la nuit, ne murmure pas plus doucement que M. Crisparkle à cette heure avancée, tant il est toujours attentif à respecter le sommeil de la bergère en porcelaine de Saxe.

Au coup de marteau, M. Crisparkle répondit en venant lui-même ouvrir la porte, une chandelle à la main ; mais l’expression joyeuse de son visage disparut aussitôt sous un air d’étonnement.

« M. Neville !… dans ce désordre !… Où êtes-vous allé ?…

— Chez M. Jasper, monsieur, avec son neveu.

— Entrez ! »

Le Chanoine le poussa par les épaules d’une main ferme, avec une prestesse vigoureuse, digne de ses exercices du matin, et le fit entrer dans son cabinet de travail dont il referma la porte.

« J’ai mal commencé, monsieur. J’ai commencé affreusement mal.

— Ce n’est que trop vrai. Vous n’êtes pas dans votre état naturel, monsieur Neville.

— Je le crois, monsieur, quoique je sois en mesure de vous prouver que j’ai fort peu bu. L’état dans lequel je suis m’a surpris de la façon la plus soudaine et la plus étrange.

Monsieur Neville… monsieur Neville… dit le Chanoine en secouant la tête d’un air triste, j’ai déjà entendu recourir à cette excuse.

— Je crois que j’ai l’esprit fort troublé, mais je pense qu’on peut en dire autant, avec une égale vérité, du neveu de M. Jasper.

— Très-probablement, répondit M. Crisparkle d’un ton sec.