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homme, pourquoi il aurait mieux valu pour M. Drood qu’il connût un peu les difficultés de la vie ?

— Oui, approuva Jasper avec un air d’intérêt, dites-nous cela.

— Parce qu’elles lui auraient fait mieux comprendre, dit Neville, une bonne fortune qui n’est, en aucune façon, l’effet de son mérite personnel. »

Le regard de M. Jasper se tourna vivement vers son neveu dont il attendit la réplique.

« Puis-je vous demander si vous les avez connues ces difficultés de l’existence ? dit Edwin Drood en se levant.

— Je les ai connues.

— Et que vous ont-elles fait comprendre ? »

Les yeux de M. Jasper continuaient à se porter alternativement sur chacun des interlocuteurs de ce menaçant petit dialogue.

« Je vous l’ai déjà dit une fois ce soir.

— Vous ne m’avez rien dit de semblable.

— Si fait, je vous ai fait remarquer que vous le preniez sur un ton beaucoup trop haut.

— Vous avez même ajouté quelque chose, si ma mémoire est fidèle.

— Oui, j’ai, en effet, dit autre chose.

— Répétez vos paroles.

— J’ai dit que dans le pays d’où je viens, on vous en demanderait raison.

— Là seulement !… s’écria Edwin Drood en riant. Ce pays est fort loin d’ici, je crois ! Oui, je comprends… Cette partie du monde est à une distance qui m’assure une entière sécurité.

— Disons donc ici, répliqua Neville en se levant avec fureur, disons n’importe où. Votre vanité est odieuse, votre suffisance n’est pas supportable ; vous parlez comme si vous étiez un sujet rare et précieux, alors que vous n’êtes qu’un vantard… Oui, ma foi, vous êtes un garçon fort ordinaire, et par conséquent un vantard de la plus commune espèce.

— Peuh !… peuh ! fit Edwin tout furieux, mais plus maître de lui. Qu’en pouvez-vous savoir ? Vous pouvez reconnaître en voyant un nègre si c’est un garçon ordi-