Page:Dickens - Le Grillon du foyer.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
GRILLON DU FOYER.

suis aveugle. Il n’y a pas une ride sur son visage, pas un cheveu sur sa tête, qui soit oublié dans mes prières et dans mes actions de grâces.

Caleb essaya d’articuler « ma Berthe. »

— Et dans ma cécité, moi qui le croyais si différent dit-elle en le caressant avec des larmes de la plus exquise affection. L’avoir près de moi, chaque jour pensant toujours à moi, et n’avoir jamais rêvé de cela !

— Le père si élégant en habit bleu a disparu, Berthe, dit le pauvre Caleb.

— Rien n’a disparu, répondit-elle. Cher père, non. Tout est là en vous. Le père que j’aimais tant, le père que je n’ai jamais assez aimé, et assez connu, le bienfaiteur que j’appris d’abord à respecter et à aimer à cause de sa sympathie pour moi, tout cela est en vous. Rien n’est mort pour moi. L’âme de tout ce qui m’était le plus cher est ici, ici avec ce visage ridé et cette tête grise. Je ne suis point aveugle, mon père.

Pendant ces paroles, toute l’attention de Dot avait été fixée sur le père et la fille ; mais en jetant les yeux sur le petit faucheur et la prairie mauresque, elle vit que l’horloge allait sonner dans quelques minutes, et immédiatement elle fut saisie d’une agitation nerveuse.

— Mon père, dit Berthe avec hésitation, Dot ?

— Oui, ma chère, dit Caleb ; elle est là.

— N’y a-t-il pas de changement en elle ? Ne m’avez-vous jamais rien dit d’elle qui ne fût vrai ?