le voiturier un peu sévèrement, jusqu’à ce que vous m’ayez compris ; et vous êtes loin de me comprendre. Si hier j’avais jeté par terre d’un coup l’homme qui osait souffler un mot contre elle, aujourd’hui je foulerai son visage sous mon pied, fût-il mon frère.
Le marchand de jouets le regarda avec étonnement. John continua d’un ton plus doux : ― Ai-je réfléchi que je la prenais, à son âge, avec sa beauté, que je l’enlevais à ses jeunes compagnes, à toutes les réunions dont elle était l’ornement, où elle était l’étoile la plus brillante qui ait jamais lui, pour l’enfermer un jour après l’autre dans ma triste demeure, pour n’y avoir que mon ennuyeuse compagnie ? Ai-je bien réfléchi combien j’étais peu en rapport avec son humeur gaie, et combien un lourdaud comme moi doit être pesant pour un esprit aussi vif ? Ai-je réfléchi qu’il n’y avait en moi à l’aimer ni mérite ni droit, lorsque quiconque la connaît doit aussi l’aimer ? Jamais. J’ai pris avantage de sa nature disposée à l’espérance et de son caractère affectueux, et je l’ai épousée. Plût à Dieu que je ne l’eusse pas fait ! pour elle, et non pas pour moi.
Le marchand de jouets le regarda sans cligner de l’œil. Son œil à demi fermé était même ouvert.
— Que Dieu la bénisse, dit le voiturier, pour la constance dévouée avec laquelle elle a essayé de m’empêcher de voir tout cela ! Et je remercie le ciel de ce que, dans la lenteur de mon intelligence, je ne l’ai pas découvert plus tôt. Pauvre enfant ! Pauvre Dot ! Moi