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GRILLON DU FOYER.

Un fusil était pendu au mur, et il fit un ou deux pas vers la chambre du perfide étranger. Il savait que le fusil était chargé. Une idée vague de tuer cet homme comme une bête sauvage se saisit de lui, et elle grandit dans son esprit jusqu’à devenir un démon monstrueux qui le posséda complètement, rejetant au dehors toute pensée plus douce et y établissant son empire sans partage.

Cette phrase n’est pas exacte. Il ne rejetait pas toute pensée plus douce, mais il la transformait avec artifice. Il changeait ses pensées en verges pour l’exciter, tournant l’eau en sang, l’amour en haine, la douceur en férocité. L’image de sa femme éplorée, humiliée, mais suppliant sa tendresse et sa pitié avec un pouvoir irrésistible, ne quittait pas son esprit ; mais en y restant elle le poussait vers la porte, lui faisait mettre l’arme à l’épaule, appliquer le doigt à la détente, et lui criait : « Tue-le dans son lit ! »

Il renversa le fusil pour frapper la porte avec la crosse ; déjà il l’avait levée en l’air ; une vague pensée venait de lui crier à cet homme de fuir par la fenêtre, au nom de Dieu… lorsque, tout à coup, le feu de la cheminée jeta une vive clarté, et le Grillon du Foyer se mit à chanter.

Aucun son, aucune voix humaine, pas même celle de sa femme, n’aurait été capable de l’émouvoir et de l’adoucir. Les paroles sans art, avec lesquelles elle lui avait parlé de son amour pour ce même Grillon,