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vu de la plage, n’avait plus l’air de dormir au soleil ; il ouvrait, au contraire, ses milliers d’yeux éclatants, et s’agitait joyeusement dans toute sa largeur, depuis le sable rafraîchi du rivage, jusqu’aux petites voiles qui disparaissaient à l’horizon, emportées par la même brise qui emportait les feuilles des arbres.

Immuable et aride, conservant, à travers les saisons qu’elle ignorait, le visage fixe et pincé de la pauvreté soucieuse, la prison demeurait insensible aux beautés changeantes de la nature. Les arbres avaient beau se couvrir de fleurs ou de fruits, les briques et les barreaux de la geôle ne donnaient jamais que la même récolte de soucis.

Néanmoins Arthur Clennam, écoutant la douce voix qui lui faisait la lecture, entendait aussi bruire à son oreille la voix des mille travaux de la grande nature, et toutes les chansons consolantes qu’elle prodigue à l’homme. La nature était la seule mère qui l’eût jamais bercé sur ses genoux dans son enfance ; rêvant à un avenir plein de promesses, se livrant à de douces fantaisies, songeant aux moissons de tendres caresses qui sont en germe dans les premières semences de notre imagination, aux chênes puissants qui doivent nous servir un jour d’abri contre les vents dévastateurs, avec leurs fortes racines contenues primitivement en espérance dans le gland, dont de petites mains d’enfant faisaient leur jouet. Mais les intonations de la voix qu’il écoutait le rappelaient au sentiment de ces espérances oubliées, lui apportaient l’écho de tous les murmures aimants ou miséricordieux qu’il avait jamais entendus depuis qu’il était au monde.

Lorsque la voix se tut, il porta la main à ses yeux, prétextant qu’ils avaient peine à supporter l’éclat trop vif du jour.

La petite Dorrit mit le livre de côté et se leva doucement pour tirer un rideau. Maggy, qui avait repris sa place d’autrefois, tricotait dans son coin. Le rideau tiré, la petite Dorrit rapprocha sa chaise du fauteuil d’Arthur.

« Ce sera bientôt fini, cher monsieur Clennam. Non-seulement les lettres que vous a adressées M. Doyce sont remplies d’expressions amicales et encourageantes, mais M. Rugg me dit encore que celles que votre associé lui écrit à lui-même sont si remplies de conseils utiles, et que tout le monde (maintenant que les premières colères sont passées) paraît si bien disposé et parle si bien de vous, que ce sera bientôt fini.

— Chère fille, cher cœur, mon bon ange !

— Vous me flattez beaucoup trop. Mais c’est un si grand bonheur pour moi de vous entendre me parler d’une manière si touchante et de… sentir (elle leva les yeux vers lui) que vous pensez ce que vous dites, que je n’ai pas le courage de vous en empêcher. »

Arthur porta la main de la jeune fille à ses lèvres.

« Vous êtes venue ici bien souvent sans que je pusse vous voir, ma petite Dorrit ?

— Oui, je suis venue quelquefois sans entrer dans votre chambre.

— Très-souvent ?