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M. Sparkler on fourrerait bientôt les enfants de Fanny et qui prendrait soin de ces malheureuses petites victimes encore à naître.

Arthur étant beaucoup trop malade pour qu’on dût lui parler de choses qui pouvaient l’agiter ou l’inquiéter, puisque son retour à la santé dépendait du calme dont on parviendrait à entourer son état présent de faiblesse, toute l’espérance de la petite Dorrit, durant ce temps d’épreuves, se reporta sur M. Meagles. Il était encore en voyage ; mais elle lui avait écrit, adressant sa lettre à Chérie, dès sa première visite au prisonnier. Depuis, elle lui avait conté ses inquiétudes sur les points qui lui causaient le plus d’alarme, et surtout sur l’absence continue d’un ami comme M. Meagles, au moment où sa présence aurait été une si grande consolation pour Arthur.

Sans lui révéler la nature précise des documents tombés entre les mains de Rigaud, la petite Dorrit avait confié aussi à M. Meagles les traits principaux de cette histoire. Elle lui avait raconté la mort tragique de l’aventurier. Les habitudes prudentes et réfléchies de l’ancien banquier lui montrèrent immédiatement combien il importait de rentrer en possession des documents originaux ; il répondit donc à la jeune fille, approuvant fort la sollicitude qu’elle témoignait à cet égard et déclarant qu’il ne reviendrait pas en Angleterre « sans avoir essayé de les recouvrer. »

Vers la même époque, M. Henry Gowan s’était mis dans l’esprit qu’il serait plus agréable pour lui de rompre avec les Meagles. Il avait trop bon cœur pour défendre à sa femme de les voir ; mais il dit à M. Meagles qu’il croyait que, personnellement, ils ne se convenaient pas, et qu’ils feraient bien, tout en se reconnaissant l’un l’autre les meilleures gens du monde, de ne plus frayer ensemble, le tout poliment, sans scène et sans éclat. Le pauvre M. Meagles, qui savait déjà par expérience qu’il ne contribuait pas au bonheur de sa fille en fréquentant un gendre qui ne faisait que se moquer de lui, répondit :

« C’est bien, Henry ! Vous êtes le mari de Minnie ; vous avez pris ma place, je n’ai rien à dire, je ferai comme vous voudrez : très-bien ! »

Cet arrangement eut pour résultat (Henry Gowan n’avait peut-être pas prévu cet avantage) que papa et maman Meagles se montrèrent plus généreux qu’auparavant lorsqu’ils n’eurent plus de relations qu’avec leur fille et leur petite-fille, de façon que cet esprit indépendant eut à sa disposition plus d’argent que par le passé, sans se trouver dans la dégradante nécessité de s’informer d’où venaient les écus.

M. Meagles, dans de pareilles circonstances, devait naturellement saisir avec ardeur l’occupation dont la petite Dorrit lui avait offert l’occasion. Il sut de sa fille les villes que Rigaud avait traversées et le nom des divers hôtels qu’il avait habités depuis quelque temps. L’occupation que se donna M. Meagles fut de visiter ces villes et ces hôtels avec autant de discrétion et de promptitude