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caves à jour. Mais les pelles, les pioches et les brouettes eurent beau faire : pas plus de Flintwinch qu’auparavant. Pas l’ombre d’un Jérémie, vivant ou mort, avec ou sans clavicule.

On acquit alors la certitude que le sieur Flintwinch ne se trouvait pas dans la maison lors de l’accident. On ne tarda même pas à savoir qu’il avait été fort occupé ailleurs, échangeant diverses valeurs contre autant d’espèces sonnantes qu’il avait pu trouver, et profitant de sa position d’associé pour empocher à lui tout seul les fonds de la société.

Mme  Jérémie, se rappelant que le finaud au col tors avait annoncé qu’il s’expliquerait dans les vingt-quatre heures, demeura convaincue que cette disparition précipitée et intéressée était le résumé complet et satisfaisant de l’explication promise ; mais elle garda pour elle cette conviction raisonnée et rendit grâce au ciel qui la débarrassait de son époux.

Comme, en bonne logique, il semblait assez inutile de chercher à déterrer un individu qui n’a jamais été enfoui sous terre, on abandonna les fouilles dès qu’on fut parvenu aux fondations des caves, sans juger à propos de chercher Flintwinch jusque dans les profondeurs du globe.

Cette détermination excita un vif mécontentement dans une certaine partie de la population londonienne, qui persista à croire que le pauvre Jérémie faisait désormais partie des fondations géologiques de la grande métropole. Leur croyance ne fut nullement ébranlée par divers bruits qui circulèrent ensuite à divers intervalles sur un vieillard qui portait habituellement le nœud de sa cravate contre l’une ou l’autre oreille, et qu’on rencontrait avec des Hollandais, sa société de prédilection, quoiqu’on sût parfaitement qu’il était Anglais, sur les vieux canaux de la Haye ou dans les cabarets d’Amsterdam.




CHAPITRE XXXII.

On part.


Comme Arthur était toujours malade et que M. Rugg ne voyait poindre à l’horizon légal aucune chance d’un prochain élargissement, le pauvre Pancks s’adressait des reproches de plus en plus poignants. Sans les chiffres qui prouvaient si clairement que le détenu, au lieu de dépérir dans une étroite prison, aurait dû se promener en équipage, et que le Remorqueur lui-même, au lieu d’être obligé de vivre de ses maigres appointements, aurait dû se trouver à la tête d’une somme de trois à quatre mille livres sterling, cette