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ouvrit une porte, et conduisit la mère d’Arthur dans la maison du gouverneur par un escalier de service. Il la fit entrer dans une chambre où l’on ne voyait presque plus clair, et alla chercher la petite Dorrit.

Les fenêtres de cette salle donnaient sur le promenoir, déjà sombre, où les détenus flânaient çà et là, selon leur coutume, se penchant aux croisées, causant à l’écart avec les visiteurs qui prenaient congé d’eux, et cherchant en général tous les moyens de tuer la fin de cette longue soirée d’été.

L’atmosphère était lourde et chaude ; on étouffait dans cette geôle, où il arrivait du dehors une avalanche de bruits incohérents, assez semblables aux sons confus qu’on croit entendre quand on a la migraine ou mal au cœur. Mme  Clennam se tenait toute troublée, abaissant un coup d’œil sur cette prison, si différente de la sienne, lorsqu’une exclamation de surprise, prononcée par une voix douce, la fit tressaillir.

La petite Dorrit se tenait devant elle.

« Se peut-il, madame Clennam, que votre santé soit assez bien rétablie pour vous permettre de… ? »

La petite Dorrit se tut, car le visage tourné vers elle n’annonçait ni la santé ni le bonheur.

« Non. Ce n’est ni la santé ni la force qui m’ont permis de venir jusqu’ici ; je ne sais ce que c’est. »

Elle agita sa main droite pour écarter ce sujet de conversation, et reprit :

« On vous a remis un paquet que vous deviez donner à Arthur, si personne ne le réclamait avant que les portes de cette prison soient fermées ?

— Oui.

— Je viens le réclamer. »

Amy prit un paquet dans son sein et le mit dans la main de Mme  Clennam, qui resta le bras tendu.

« Avez-vous la moindre idée de ce qu’il renferme ? » demanda-t-elle.

Effrayée de voir la mère d’Arthur debout devant elle, avec une liberté de mouvement si subitement recouvrée, sans qu’on pût, ainsi que la malade le reconnaissait elle-même, en faire honneur au retour de sa santé, et lui trouvant un air aussi fantastique que celui d’une statue ou d’une peinture qui se serait animée tout à coup, la petite Dorrit ne put que répondre :

« Non.

— Lisez. »

La jeune fille prit le paquet dans la main toujours tendue vers elle, et brisa le cachet. Mme  Clennam lui donna alors une seconde enveloppe adressée à Miss Dorrit, et garda l’autre. L’ombre du mur et des bâtiments de la prison, qui assombrissait la chambre à midi, la rendait beaucoup trop obscure aux approches de la nuit pour qu’on pût y lire ailleurs qu’à la croisée. La petite Dorrit se