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couru la maison, m’adressant tout un interrogatoire à propos de M. Blandois.

— C’est vrai, avoua Jean-Baptiste d’un ton joyeux. Et j’ai fini par le trouver, patronne ! j’ai mis la main sur lui, conséquemmentalement.

— Vous auriez mieux fait de vous casser le col conséquemmentalement, remarqua M. Flintwinch.

— Et, maintenant, reprit M. Pancks, dont le regard s’était souvent dirigé vers la croisée et le bas qu’on y raccommodait, je n’ai plus qu’un mot à dire avant de m’en aller. Si M. Clennam pouvait assister à cet entretien, mais, par malheur, bien qu’il soit parvenu à ramener ce beau gentleman ici contre son gré, il est malade et en prison… le pauvre garçon ! mais s’il était ici, continua le Remorqueur, faisant un pas de côté vers la fenêtre et posant la main sur le bas troué, il dirait : « Ma bonne Affery, racontez-nous vos rêves ! »

M. Pancks leva l’index de sa main droite entre son nez et le bas en question, de l’air solennel d’un fantôme qui donne un avertissement, fit demi-tour et s’éloigna à toute vapeur, remorquant Jean-Baptiste Cavalletto à sa suite. Mme  Clennam et Jérémie avaient échangé un coup d’œil, puis ils avaient dirigé les yeux vers Affery qu’ils regardaient encore. Celle-ci continuait à raccommoder son bas avec beaucoup d’assiduité.

« Allons ! s’écria enfin M. Flintwinch, qui se dirigea vers la croisée en dessinant une courbe ou deux, et se frottant le creux des mains sur les pans de son habit, comme s’il se préparait à faire quelque chose, ce que nous avons à nous dire, il vaut mieux nous le dire tout de suite… Ainsi, donc, ma vieille, fais-nous le plaisir de déguerpir ! »

En une seconde, Affery, jetant loin d’elle le bas qu’elle raccommodait, se leva, saisit le rebord de la fenêtre avec sa main droite, se maintint dans l’embrasure en posant le genou droit sur le siège, et, brandissant son bras droit pour repousser tous les assaillants qui pourraient se présenter :

« Non, je ne m’en irai pas, Jérémie… Non !… non !… non !… Je ne m’en irai pas !… Je reste où je suis. Je veux entendre tout ce que je ne sais pas, pour dire après tout ce que je sais. Oui, j’y suis résolue, quand je devrais y perdre la vie. Je reste, je reste ! »

M. Flintwinch, que la colère et la surprise semblaient avoir pétrifié, humecta les doigts de sa main droite, décrivit lentement un cercle dans le creux de sa main gauche, et continua à biaiser d’une façon menaçante vers madame son épouse, laissant échapper diverses promesses peu rassurantes que sa colère l’empêchait d’articuler d’une façon bien distincte, et dont on n’entendait que ces paroles :

« Une dose, vois-tu, ma vieille ! oh mais là, une dose !

— N’avance pas, Jérémie ! s’écria Affery sans cesser d’agiter son bras. Si tu fais encore un pas, j’ameute tous les voisins ! Je me jette