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avec une clef à la porte d’Arthur. C’était John Chivery fils. Il se glissa dans la chambre, chaussé seulement de ses bas, et lui dit à voix basse :

« C’est contraire à tous les règlements, mais tant pis ! J’étais décidé à traverser la cour pour monter chez vous.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Il n’y a rien du tout, monsieur. J’attendais Mlle  Dorrit dans la première cour, lorsqu’elle est sortie. J’ai pensé que vous seriez content de savoir qu’il y avait eu quelqu’un pour la reconduire.

— Merci, merci ! Vous l’avez ramenée chez elle, John ?

— Je ne l’ai quittée qu’à la porte de son hôtel. C’est le même où M. Dorrit était descendu. Mlle  Dorrit a voulu s’en retourner à pied, et elle m’a parlé avec tant de bonté que cela m’a tout bouleversé. Devinez pourquoi elle a mieux aimé marcher, quand il y avait des voitures à deux pas ?

— Je n’en sais rien, John.

— Parce qu’elle voulait me parler de vous. Elle m’a dit : « John, vous avez toujours été un garçon honorable, et si vous me promettez de le soigner, et de ne jamais le laisser manquer de secours et de consolations, lorsque je ne serai pas là, cela diminuera de beaucoup mes inquiétudes. » Je le lui ai promis, et maintenant je suis votre ami à la vie, à la mort… À la vie à la mort ! »

Clennam, vivement touché, tendit la main à ce cœur loyal.

« Avant que je la prenne, continua John, qui regarda la main sans s’éloigner de la porte, devinez ce que mademoiselle m’a chargé de vous dire. »

Clennam secoua la tête.

« Dites-lui, répéta John d’une voix très-distincte, quoique un peu émue, que sa petite Dorrit ne cessera jamais de l’aimer. Voilà ce qu’elle vous fait savoir… Là ! trouvez-vous que je me sois conduit honorablement, monsieur ?

— Oui, oui, John.

— Ne direz-vous pas à Mlle  Dorrit que je me suis conduit honorablement ?

— Certainement.

— Alors, voilà ma main, monsieur, et je suis votre ami à la vie, à la mort ! »

Après avoir reçu et rendu une cordiale poignée de main, John disparut en faisant craquer l’escalier sous le même pas furtif, et traversa, pieds nus, le pavé de la cour ; puis, refermant les grilles derrière lui, passa dans l’entrée où il avait laissé ses souliers. Quand le chemin aurait été pavé de fer rouge, parions que John ne l’aurait pas traversé avec moins de dévouement pour venir réjouir le cœur de Clennam par cet heureux message.