Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.

demande, lorsque vous penserez à moi, de me voir seulement désormais tel que je suis aujourd’hui. »

La cloche qui annonçait aux visiteurs que l’heure du départ allait sonner se fit entendre. Arthur alla prendre le manteau de la jeune fille et l’en enveloppa avec une tendre sollicitude.

« Encore un mot, ma petite Dorrit. Un mot qui me coûte beaucoup à vous dire, mais que je dois vous dire néanmoins. Il y a longtemps que l’époque où vous et cette prison vous aviez quelque chose en commun est passée. Vous me comprenez ?

— Oh ! vous n’aurez pas le courage de me dire, s’écria la petite Dorrit en pleurant amèrement et en levant ses mains jointes avec un geste de supplication, de me dire que je ne dois plus revenir ! Vous ne m’abandonnerez pas ainsi !

— Je vous le dirais si je pouvais, mais je n’ai pas le courage de me priver pour toujours de la vue de ce cher visage, de renoncer à la douceur de le revoir. Seulement ne revenez pas trop tôt, ne revenez pas souvent ! Cette prison est un endroit impur, et je sais trop que j’en sens déjà l’impure influence. Vous appartenez à un théâtre beaucoup plus brillant, beaucoup plus digne de vous. Il ne faut pas tourner de ce côté vos regards en arrière : c’est devant vous, vers un avenir bien différent et bien plus heureux qu’il faut les diriger. Encore une fois, que Dieu vous bénisse ! que Dieu vous récompense ! »

Maggy, qui avait conservé un air attristé pendant toute la durée de cet entretien, s’écria alors :

« Oh ! faites-le entrer dans un hôpital ; je vous en prie, petite mère, faites-le entrer dans un hôpital ! Il ne reprendra jamais sa bonne mine s’il n’entre pas dans un hôpital. Et alors la mignonne petite femme, qui était toujours à tourner son rouet, pourra aller à son armoire avec la princesse et lui dire : « Pourquoi cachez-vous votre poulet froid là-dedans ? » Et puis alors on ouvrira le buffet et on y prendra du poulet tant qu’on voudra, et tout le monde sera content. »

Cette interruption vint fort à propos pour les avertir que la cloche avait presque cessé de retentir. Après avoir de nouveau enveloppé la petite Dorrit dans son manteau avec la même sollicitude, Arthur lui donna le bras et descendit avec elle, bien qu’avant cette visite il se fût à peine senti la force de se tenir debout.

Tous les autres visiteurs étaient déjà partis et la grille se referma derrière elle avec un grincement de désolation et de désespoir qui résonna comme un glas funèbre aux oreilles de Clennam et lui rendit le sentiment de sa faiblesse. Ce fut un long et fatiguant voyage pour lui que de remonter l’escalier, et lorsqu’il rentra dans sa chambre solitaire et sombre, il se sentit plus misérable que jamais.

Il était près de minuit, et depuis longtemps aucun bruit ne se faisait entendre dans la prison, lorsque les marches de l’escalier crièrent sous le poids d’un pas furtif. Une main discrète frappa