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CHAPITRE XXVIII.

Nouvelle apparition dans la Maréchaussée.


L’opinion de la communauté en dehors de la prison ne devint pas plus favorable à Clennam de jour en jour, et il ne se fit pas non plus d’amis dans la communauté des détenus. Trop abattu pour se mêler au troupeau de prisonniers qui se rassemblaient dans la cour afin d’oublier ensemble leurs peines ; trop réservé et trop malheureux pour prendre part aux pauvres régals de la taverne, il restait enfermé dans sa chambre et on se défiait de lui. Les uns disaient qu’il était trop fier ; d’autres déclaraient qu’il était maussade et taciturne ; d’autres le méprisaient comme un être sans courage qui se laissait écraser sous le poids de ses dettes. La communauté tout entière semblait l’éviter à cause de ces divers griefs, mais surtout pour le dernier qui impliquait une sorte de trahison domestique. Bientôt il s’abandonna tellement à sa solitude qu’il attendait, pour se promener, que les détenus rassemblés au café eussent laissé la cour en possession des femmes et des enfants.

La captivité ne tarda pas à agir sur lui. Il se sentait devenir désœuvré et indolent. Grâce à la connaissance qu’il avait acquise, dans cette chambre même, des influences délétères de la prison, il s’effraya de ces premiers symptômes. Évitant autant que possible le regard des autres hommes, évitant de s’interroger lui-même, il commença à changer très-rapidement. Le premier venu se serait aperçu tout de suite que l’ombre des murs de la prison s’épaississait déjà sur son esprit affaissé.

Un jour (il y avait environ deux mois et demi qu’il était là), tandis qu’il lisait, sans parvenir à soustraire à l’influence de la Maréchaussée même les personnages imaginaires de son livre, il entendit qu’on s’arrêtait à sa porte et qu’on frappait. Il se leva pour aller ouvrir, et une voix aimable l’accueillit d’un :

« Comment vous portez-vous, monsieur Clennam ? J’espère que ma visite ne vous importune pas ? »

C’était le brillant Mollusque attaché au secrétariat. Le jeune Ferdinand paraissait meilleur enfant et plus aimable que jamais, bien qu’il eût un air de gaieté et de liberté singulièrement déplacé dans cette misérable prison.

« Vous êtes surpris de me voir, monsieur Clennam ? dit-il en prenant le siège qu’Arthur venait de lui offrir.

— Très-surpris, je l’avoue.

— Mais pas désagréablement, je l’espère ?