Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Vous auriez de la peine à me croire, monsieur Clennam, si je vous répétais tout ce que père a dit à propos de vous, commença Mme  Plornish. Il en est presque malade. Quant à sa voix, depuis votre malheur, il n’en a plus du tout. Vous savez qu’il chante à ravir ; eh bien, cette après-midi, il n’a pas tant seulement pu gazouiller trois notes pour les enfants. Vous me croirez si vous voulez, mais c’est la pure vérité. »

Tout en parlant, Mme  Plornish secoua la tête, s’essuya les yeux et jeta autour d’elle sur la chambre un coup d’œil rétrospectif !

« Pour ce qui est de M. Baptiste, continua Mme  Plornish, je ne peux pas me figurer et encore moins m’imaginer ce qu’il va devenir en apprenant la nouvelle. Il y a longtemps qu’il serait ici, bien sûr, s’il n’avait pas été absent depuis ce matin pour l’affaire confidentielle dont vous l’avez chargé. Le zèle avec lequel il s’occupe de cette affaire, sans prendre un moment de repos, est bien fait, comme je lui ai dit (ajouta Mme  Plornish, terminant son discours en italien) : poura etouna una padrona. »

Bien que Mme  Plornish ne fût pas vaniteuse, elle ne se cacha pas qu’elle avait tourné cette phrase toscane avec une élégance particulière.

« Mais ce que je dis, monsieur Clennam, continua la digne femme, c’est qu’à tous les malheurs on peut toujours trouver un bon côté ; vous savez ça aussi bien que moi. Quand on regarde autour de cette chambre, il est facile de deviner quel est le bon côté du malheur d’aujourd’hui… Il faut remercier le ciel de ce que Mlle  Dorrit n’est plus ici pour voir cela. »

Arthur crut reconnaître que Mme  Plornish le regardait avec une expression toute particulière.

« C’est une chose dont il faut remercier le ciel, répéta Mme  Plornish, que Mlle  Dorrit soit bien loin. Espérons que cela l’empêchera d’apprendre la nouvelle. Si elle avait été ici, monsieur, il n’est pas douteux qu’en vous voyant (Mme  Plornish répéta ces mots…), il n’est pas douteux qu’en vous voyant, vous, dans le malheur et la peine, son bon cœur en eût trop souffert. Je suis sûre qu’il n’y a rien au monde qui pût lui faire autant de peine. »

On ne pouvait pas s’y tromper cette fois : Mme  Plornish regardait Arthur bien en face, et il y avait un certain air de malice dans son émotion affectueuse.

« Oui ! reprit-elle. Et voyez un peu comme père, malgré son âge, remarque tout ce qui se passe autour de lui : il m’a dit, pas plus tard que ce soir (que l’heureuse Chaumière me démente si j’ajoute un mot à l’exacte vérité) ! il m’a dit : Marie, quel bonheur que miss Dorrit ne soit pas ici pour voir ça ! Je réponds alors à père, que je lui réponds : « Père, vous avez raison ! » Voilà (continua Mme  Plornish de l’air d’un témoin qui se pique d’avoir fait en justice une déposition irréprochable), voilà ce qui s’est passé entre père et moi. Voilà la vérité et rien que la vérité. »

M. Plornish, étant d’un tempérament plus laconique, saisit cette