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John fut absent quelque temps, et, lorsqu’il revint, il était facile de voir qu’il était allé dehors, car il apportait du beurre frais enveloppé dans une feuille de chou, quelques tranches de jambon dans une feuille de chou jumelle, plus un petit panier de cresson et de salade. Lorsqu’il eut arrangé ces comestibles sur la table dans un ordre symétrique, les deux convives s’assirent pour prendre le thé.

Clennam essaya de faire honneur au repas, mais en vain. Le jambon lui donnait des nausées, le pain semblait se transformer en sable dans sa bouche. Il eut beau faire tout son possible pour se forcer à manger ; tout ce qu’il put faire, ce fut de prendre une tasse de thé.

« Prenez un peu de salade, » dit John en présentant le panier à son invité.

Arthur prit un brin ou deux de cresson et essaya de manger, mais le pain sembla se transformer en sable plus lourd qu’auparavant, et le jambon (bien que d’excellente qualité) lui parut répandre une odeur de charcuterie insupportable dans toute la prison.

« Encore un peu de salade, monsieur, » répéta John, qui avança de nouveau le panier.

Le jeune guichetier avait tellement l’air de passer à un pauvre oiseau quelques brins de verdure par les barreaux de sa cage pour récréer sa triste solitude, et il était si facile de deviner qu’il avait acheté le petit panier dans l’intention d’offrir au prisonnier une poignée de fraîcheur pour lui faire oublier les briques et les pavés brûlants de la geôle, que Clennam ne put s’empêcher de lui dire en souriant :

« C’est bien aimable à vous d’avoir songé à me faire passer cette verdure à travers les barreaux de ma cage ; mais aujourd’hui je ne puis pas même prendre cela. »

Comme si le manque d’appétit eût été une maladie contagieuse, John ne tarda pas à repousser aussi son assiette et se mit à plier la feuille de chou qui avait servi d’enveloppe au morceau de jambon. Lorsqu’il l’eut pliée et repliée de façon à en faire un petit in-18 qui pouvait tenir dans le creux de sa main, il commença à l’aplatir, en fixant sur Clennam un regard scrutateur.

« Il me semble, dit-il enfin, pressant son in-18 entre ses mains avec vigueur, que, si vous ne jugez pas à propos de vous soigner dans votre propre intérêt, vous pourriez au moins vous soigner dans l’intérêt d’une autre personne.

— En vérité, répondit Arthur avec un soupir et un sourire, je ne vois pas pour qui je me soignerais.

— Monsieur Clennam, fit John avec vivacité, je m’étonne qu’un gentleman, capable d’être aussi franc que vous l’êtes, soit capable de me faire une réponse si peu sincère. Oui, monsieur Clennam, je suis surpris qu’un individu capable d’avoir un cœur comme le vôtre, ait le cœur de traiter le mien de la sorte. Cela m’étonne, monsieur. Ma parole d’honneur, cela me surprend ! »

John, qui s’était levé afin de donner plus de forces à ses dernières