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— Si cela ne vous dérange pas. Je vous serais obligé. »

Pancks mit son chapeau à l’instant même et partit, tout de suite, train direct, grande vitesse, pour Pentonville. Durant son absence, Arthur ne leva pas la tête et conserva la même attitude.

Le remorqueur ramena avec lui son ami et conseiller, M. Rugg, qui, tout le long de la route, avait eu tant de preuves de l’agitation peu rationnelle de M. Pancks, que la première chose qu’il fit en arrivant fut de prier ce gentleman de prendre la clef des champs ; ce que celui-ci s’empressa de faire d’un air soumis et découragé.

« Il est à peu près dans l’état où se trouvait ma fille, monsieur, lorsque nous avons intenté un procès pour rupture de promesse de mariage, au nommé Bawkins, remarqua l’homme de loi. Il prend un intérêt trop direct et trop vif à cette affaire. Il se laisse dominer par sa sensibilité ; il n’y a pas moyen de marcher dans notre profession, quand on se laisse dominer par la sensibilité. »

Tandis qu’il ôtait ses gants et les posait dans son chapeau, il jeta de côté un coup d’œil qui lui révéla tout de suite que son client était bien changé.

« Je suis fâché de voir, monsieur, dit l’homme de loi, que vous-même vous vous laissiez dominer aussi par votre sensibilité. N’en faites rien, je vous prie. Ces pertes sont sans doute très-déplorables, monsieur, mais il faut les envisager bravement en face.

— Si l’argent que j’ai risqué n’avait appartenu qu’à moi seul, monsieur Rugg, soupira Clennam, j’en aurais beaucoup moins de regret.

— En vérité, monsieur ? fit M. Rugg en se frottant les mains d’un air guilleret. Vous m’étonnez. Voilà qui est singulier, monsieur ; jusqu’ici j’ai toujours vu, au contraire, dans l’exercice de ma profession, que c’est surtout à son propre argent que l’on tient. J’ai toujours vu mes clients, quand ils avaient le malheur de perdre l’argent d’autrui, supporter très-bien la chose… mais là, très-bien. »

Après avoir donné cours à ces remarques consolantes, M. Rugg s’assit sur une chaise de bureau, devant le pupitre, et passa au fond des choses.

« Maintenant, monsieur Clennam, si vous voulez bien le permettre, nous allons procéder aux affaires. La question est des plus claires et des plus nettes. Une simple question de bon sens. Qu’est-ce que je peux faire pour vous tirer de ce mauvais pas ?… Voilà la question.

— Ce n’est pas du tout là la question pour moi, monsieur Rugg, dit Arthur. Vous vous trompez dès le début. Ma question, la voici : Qu’est-ce que je puis faire pour tirer mon associé de ce mauvais pas et réparer de mon mieux le préjudice que je lui cause ?

— Savez-vous, monsieur, répliqua M. Rugg d’un ton persuasif, que je commence à craindre que vous ne continuiez à vous laisser dominer par votre sensibilité. Je n’aime pas entendre ces mots de