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— Moi, je ne sais rien des antécédents de l’homme que vous avez vu ici, Arthur. »

Elle parlait tout haut. Son fils avait baissé la voix ; mais elle semblait repousser cette avance comme elle avait repoussé toutes les autres qu’il avait pu lui faire, et son verbe était aussi haut, sa roideur aussi tendue que jamais.

« Ce n’est pas un renseignement en l’air, je le tiens de source certaine. »

Mme  Clennam demanda, sans changer de ton, si c’était là le but de sa visite ?

« Oui. J’ai cru devoir vous faire cette communication.

— En bien, qu’est-ce que c’est ?

— Cet homme a été détenu dans la prison de Marseille. »

Mme  Clennam répondit avec beaucoup de sang-froid :

« Cela ne m’étonne pas du tout.

— Oui, mais il n’a pas été détenu pour un simple délit ; c’est pour assassinat. »

La paralytique tressaillit à ce mot et ses traits exprimèrent une vive horreur. Néanmoins elle ne baissa pas la voix en demandant :

« Qui vous l’a dit ?

— Un homme qui s’est trouvé son compagnon de geôle.

— Et les antécédents de ce compagnon ne vous étaient sans doute pas connus avant qu’il vous en eût fait confidence ?

— Non.

— Et pourtant vous le connaissiez, lui ?

— Oui.

— Eh bien, c’est justement mon histoire et celle de Flintwinch avec cet autre homme ! Et encore la ressemblance n’est-elle pas tout à fait exacte ; votre monsieur ne vous avait pas été présenté par un correspondant chez qui il avait déposé de l’argent. Que dites-vous de cette différence ?

Arthur fut obligé d’avouer que celui dont il tenait les renseignements en question ne lui avait apporté aucune lettre d’introduction, et qu’il ne lui avait pas été présenté du tout. Le froncement attentif des sourcils de Mme  Clennam se transforma par degrés en un regard de triomphe, tandis qu’elle répondait d’un ton énergique :

« En ce cas, ne vous pressez pas tant de condamner les autres. Je vous le répète dans votre intérêt, Arthur, ne vous pressez pas tant de condamner les autres. »

Il y avait autant d’énergie dans son regard que dans la fermeté avec laquelle elle appuyait sur les mots. Elle continua à fixer les yeux sur son fils. Si celui-ci, en entrant chez elle, avait conservé le moindre espoir de la fléchir, le regard qu’elle dirigeait sur lui aurait suffi pour dissiper sa dernière illusion.

« Mère, ne puis-je rien faire pour vous ?

— Rien.

N’avez-vous aucun secret à me confier, aucune commission,