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Ah ! je suis vraiment très-heureux de… hem !… trouver enfin quelqu’un pour me recevoir. On paraît m’avoir… ah !… si peu attendu, que je commençais, ma parole d’honneur… ah… hem !… à croire que je ferais bien de m’excuser… ah !… d’avoir pris la liberté de revenir chez moi.

— Il était si tard, mon cher William, remarqua son frère, que nous avions renoncé à l’espérance de vous voir arriver ce soir.

— Je suis plus robuste que toi, mon cher Frédéric, répliqua M. Dorrit d’un ton de pitié fraternelle presque sévère ; et j’espère que je puis voyager sans danger pour ma santé à… hem !… l’heure qu’il me plaît.

— Certainement, répondit l’autre, devinant qu’il avait offensé son frère sans le vouloir. Certainement, William.

— Merci, Amy, ajouta M. Dorrit, tandis qu’elle le débarrassait d’une partie de son costume de voyage ; merci, je n’ai pas besoin que l’on m’aide… Ne prenez pas cette peine, Amy. Pourrait-on me donner une croûte de pain et un verre de vin, ou bien… hem !…, serait-ce causer un trop grand dérangement ?

— Cher père, on va vous servir à souper dans quelques minutes.

— Merci, mon enfant, répondit M. Dorrit avec une froideur pleine de reproches. Je… ah… je crains vraiment de donner trop de peine à tout le monde… hem… Mme Général se porte bien ?

Mme Général s’est plainte d’une migraine et d’un peu de fatigue ; de façon que, lorsque nous avons renoncé à l’espérance de vous voir arriver elle est allée se coucher. »

Peut-être M. Dorrit sut-il bon gré à Mme Général de s’être sentie indisposée en ne le voyant pas venir ? Dans tous les cas, ses traits se déridèrent et il dit avec une satisfaction évidente :

« Désolé d’apprendre l’indisposition de Mme Général. »

Pendant ce court dialogue, sa fille avait continué à le regarder avec encore plus d’intérêt que de coutume. On eût dit qu’elle le trouvait changé ou vieilli. Le père s’en aperçut et s’en formalisa, car il demanda d’un ton de mauvaise humeur plus marquée, lorsqu’il se fut débarrassé de son manteau, et qu’il se fut approché du feu :

« Eh bien, Amy, qu’avez-vous à me regarder ainsi ? Que voyez vous donc en moi qui vous oblige… hem !… à me contempler avec… ah !… une sollicitude si particulière ?

— C’est malgré moi, père ; je vous demande pardon. Cela réjouit mes yeux de vous revoir… voilà tout.

— Ne dites pas : Voilà tout, parce que… hem !… ce n’est pas tout. Vous… hem !… vous trouvez, répliqua Dorrit avec une énergie accusatrice, que je n’ai pas bonne mine ?

— Je trouvais seulement que vous paraissiez un peu fatigué, père.

— Eh bien ! vous vous trompez… Ah !… Je ne suis pas fati-