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sur la portière, presque effrayé de l’air sinistre de la demeure de Mme  Clennam.

À vrai dire, ce soir-là la vieille maison n’avait jamais été plus sombre. On apercevait sur le mur, de chaque côté de la porte cochère, l’affiche que M. Dorrit avait lue, et, tandis que la flamme des réverbères vacillait au vent du soir, on voyait passer sur les imprimés des ombres qui ressemblaient assez à des doigts qui auraient suivi les lignes. Il était évident que la police avait établi une surveillance particulière en cet endroit, car, pendant que M. Dorrit hésitait, un homme s’avança vers lui de l’autre côté de la rue, tandis qu’un second, caché jusque-là dans l’ombre, passait devant le visiteur en s’éloignant dans le sens opposé, tous deux lui jetant un rapide coup d’œil et tous deux s’arrêtant ensuite à une certaine distance.

Comme il n’y avait qu’une seule maison dans la cour, il n’y avait pas moyen de se tromper. M. Dorrit gravit donc les marches et frappa. Une faible lumière éclairait deux fenêtres du premier étage. La porte renvoya un écho lugubre et vide, comme si la maison eût été inhabitée ; mais il n’en était rien presque aussitôt on vit approcher une lumière et on entendit un pas retentir sur les dalles du vestibule. Lorsque le pas et la lumière furent arrivés ensemble à l’entrée, une chaîne grinça et une vieille femme, la tête cachée dans son tablier se montra à la porte entrebâillée.

« Qui est là ? » demanda-t-elle.

M. Dorrit que cette apparition étonna beaucoup, répliqua qu’il arrivait d’Italie et qu’il désirait quelques renseignements sur l’étranger qui avait disparu et qu’il connaissait.

« Hé ! s’écria la vieille d’une voix fêlée. Jérémie ! »

Sur ce, un vieillard apparut à son tour, que M. Dorrit crut reconnaître (à ses guêtres), pour la vis rouillée mentionnée par Flora. La femme avait une peur évidente du vieillard desséché, car elle enleva prestement son tablier et montra un visage tout pâle d’effroi au moment où il s’avança.

« Ouvrez donc ! imbécile ! dit le vieillard, et laissez entrer monsieur. »

M. Dorrit, après avoir jeté par prudence un coup d’œil à son cocher de cabriolet, entra dans le vestibule mal éclairé.

« Eh bien ! monsieur, commença Jérémie, vous pouvez maintenant me faire autant de questions qu’il vous plaira. Il n’y a pas de secrets chez nous, monsieur. »

Avant qu’il eût pu recevoir une réponse, une voix ferme et décidée, une voix de femme pourtant, cria d’en haut :

« Qu’est-ce, Jérémie ?

— Qui c’est ? répéta Jérémie. Encore une demande de renseignements. Un gentleman qui arrive d’Italie.

— Faites-le monter ! »

M. Flintwinch grommela comme si c’était, selon lui, parfaitement inutile ; mais, se retournant vers M. Dorrit, il lui dit :