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choses affectueuses à la chère petite, car ce message ne serait peut-être pas très-bien accueilli… d’ailleurs, depuis la métamorphose, il est clair qu’il ne peut plus y avoir de chère petite… pourquoi donc alors me permettrais-je une pareille familiarité… néanmoins la tante de M. Finching et moi, nous lui souhaitons toute espèce de bonheur, et nous ne la regardons pas du tout, du tout, comme notre obligée… bien au contraire, car elle a bien tenu tous ses engagements… on ne pourrait pas en dire autant de la plupart des gens… sans compter qu’elle a fait tout son ouvrage aussi bien qu’il était possible de le faire… Moi-même, je suis du nombre des gens qui ne font pas tout ce qu’ils promettent ; car j’avais toujours dit, depuis que j’ai commencé à me remettre du coup que m’a porté la mort de M. Finching, que je voulais apprendre à jouer de l’orgue, dont je raffole ; mais je rougis d’avouer que je ne suis pas allée jusqu’à savoir seulement mes notes sur cet instrument. Bonsoir ! »

Lorsque M. Dorrit, après avoir reconduit sa visiteuse jusqu’à la porte, eut le temps de rassembler ses idées, il trouva que l’entrevue avait réveillé chez lui des souvenirs qu’il croyait effacés et qui jureraient à la table de M. Merdle. Il écrivit donc au banquier un billet laconique, s’excusant de ne pouvoir dîner avec lui ce jour-là, et se fit servir son repas dans son appartement. Il avait encore un autre motif pour agir ainsi. Il avait résolu de quitter Londres dans deux jours, et comme tout ce temps était pris par des invitations acceptées, et qu’il avait fixé l’heure de son départ, il crut que son importance l’obligeait à approfondir en personne l’affaire Blandois, afin d’être à même de faire part à M. Henry Gowan du résultat de ses investigations personnelles sur le compte de son ami. En attendant, il se décida à profiter de ce qu’il avait cette soirée libre pour se rendre chez Clennam et Cie, dont l’affiche indiquait l’adresse, examiner les localités et faire lui-même une ou deux questions.

Après avoir dîné aussi simplement que le lui permirent le cuisinier de l’hôtel et le courrier, après avoir fait ensuite un léger somme au coin du feu afin de mieux se remettre de la visite de Mme  Finching, il partit seul dans un cabriolet de louage. La grave horloge de Saint-Paul sonnait neuf heures comme il passait sous l’arcade ténébreuse de Temple-Bar, qui n’était pas alors dans l’état humiliant et dégénéré où nous le voyons aujourd’hui.

Tandis qu’il se rapprochait du lieu de sa destination par une enfilade de rues de traverse et de ruelles du bord de l’eau, ce quartier de Londres lui parut plus laid à une pareille heure qu’il n’aurait pu se l’imaginer. Il s’était écoulé bien des années depuis qu’il l’avait traversé ; d’ailleurs il ne l’avait jamais beaucoup connu, et il lui trouva un aspect mystérieux et lugubre. Son imagination en fut même si vivement affectée que, lorsque le cocher, après avoir bien des fois demandé le chemin, s’arrêta en disant qu’il croyait bien que c’était là la maison, M. Dorrit hésita un instant, la main