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« Mademoiselle Dorrit a sans doute fait preuve, dans ce choix, de toute la discrétion que permettaient les circonstances, et j’espère qu’elle voudra bien agréer mes félicitations les plus sincères. Dégagés des entraves de la passion (Mme  Général ferma les yeux en prononçant ce mot, comme si sa pudeur ne lui permettait pas de le prononcer les yeux ouverts), appuyés sur l’approbation des proches parents, et propres à cimenter le fier édifice d’une haute position sociale, de pareils événements ne sauraient causer que de la joie. Mademoiselle Dorrit me permettra donc de lui renouveler mes félicitations les plus cordiales. »

La veuve se tut et ajouta intérieurement, pour mieux composer son visage : « Papa, pommes, poule, prunes et prismes. »

« Monsieur Dorrit, ajouta-t-elle tout haut, est toujours obligeant ; et, en retour de la politesse et de l’honneur qu’il me fait en me communiquant sitôt cette nouvelle, je le prie encore une fois, ainsi que mademoiselle Dorrit, de recevoir mes remercîments. J’offre également, avec mes félicitations, mes remerciements à mademoiselle Dorrit.

— Pour ma part, remarqua Fanny, je suis très-flattée… flattée au delà de toute expression. Vous ne pouvez pas vous figurer, madame Général, combien je suis heureuse de voir que vous ne désapprouviez pas mon choix. Je me sens soulagée d’un grand poids, je vous assure. Je ne sais vraiment pas ce que j’aurais fait si vous aviez présenté quelque objection, ma chère madame. »

Mme  Général changea la position relative de ses gants, elle fit passer le droit sur le gauche et le gauche sous le droit, avec un sourire aux prunes et aux prismes.

« Je n’ai pas besoin de vous dire, madame Général, continua Fanny répondant à ce sourire par un autre sourire où il n’y avait aucune trace de ces ingrédients, que, lorsque je serai mariée, tous mes efforts tendront à mériter de plus en plus votre approbation… Le plus grand malheur qui pût m’arriver, ce serait de perdre votre estime. Mais je suis convaincue, connaissant votre bonté, que vous m’excuserez, et j’espère que papa m’excusera aussi, si je relève une légère erreur que vous venez de commettre. Les meilleures gens du monde sont sujets aux méprises, et vous-même, madame, malgré votre mérite, vous êtes tombée dans une légère erreur. Vous êtes très-sensible, je n’en doute pas, à l’honneur que vous fait, avez-vous dit, la confiance que nous venons de vous témoigner. Malheureusement pour moi, je n’y suis pour rien. Le mérite d’avoir un seul instant songé à vous demander votre avis me paraît si respectable, que je rougirais de me l’approprier, sachant que je n’y ai aucun droit. Tout l’honneur en revient à papa. Je vous suis fort reconnaissante des encouragements et de la protection que vous daignez m’accorder : seulement ce n’est pas moi qui les ai demandés, c’est papa. J’ai à vous remercier, madame du consentement si généreux que vous venez de m’accorder ; mais vous, madame, vous n’avez aucun remerciement à m’adresser. J’espère con-