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— Permettez-moi ! s’écria le touriste poli, se levant et ouvrant la porte, tandis que le gentleman aux cheveux gris s’en approchait donnant le bras à sa fille. Bonne nuit ! Au plaisir de vous revoir ! À demain ! »

Comme il leur envoyait du bout des doigts un baiser des plus gracieux et leur adressait son sourire le plus charmant, la jeune fille se rapprocha un peu de son père pour passer auprès de l’étranger, comme si elle eût eu peur de le toucher.

« Allons ! dit le touriste insinuant, dont l’allure devint moins dégagée, et qui baissa la voix dès qu’il se trouva seul. Puisque tout le monde va se coucher, il faut que j’en asse autant. Ils sont diablement pressés. Il me semble que la nuit serait bien assez longue déjà, au milieu de ce silence glacé et de cette solitude, si on n’allait se coucher que dans deux heures d’ici. »

Rejetant la tête en arrière afin de vider son verre, il aperçut le livre des voyageurs resté tout ouvert sur le piano, avec des plumes et un encrier à côté, comme si les touristes s’y fussent inscrits déjà pendant son absence. S’approchant du registre, il y lut ces noms :

William Dorrit, esquire,
Frédéric Dorrit, esquire,
Édouard Dorrit, esquire,
Miss Dorrit,
Miss Amy Dorrit,
Mme Général,
Et leur suite. Se rendant de France en Italie.

M. et Mme Henry Gowan se rendant de France en Italie.

Il ajouta à ces noms, en une petite écriture compliquée qui se terminait par un long et maigre paraphe, assez semblable à un lasso jeté autour des autres noms :

Blandois, de Paris, se rendant de France en Italie.

Puis, avec son nez qui s’abaissait sur sa moustache et sa moustache qui se relevait sous son nez, il gagna la cellule qui lui était destinée.





CHAPITRE II.

Madame Général.


Il devient indispensable de présenter au lecteur la dame accomplie qui occupait, dans la suite de la famille Dorrit, une position assez importante pour qu’on crût devoir inscrire son nom dans le livre des voyageurs.

Mme Général était la fille d’un dignitaire clérical d’une ville de cathédrale, où elle avait donné le ton jusqu’à l’époque où elle fut aussi près de sa quarante-cinquième année qu’il est possible à une