Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.


— Merci. Vous n’avez pas remarqué Altro tout à l’heure ? demanda M. Pancks.

— Non. Pourquoi cela ?

— C’est un garçon de belle humeur, et que j’aime beaucoup, répliqua Pancks. Mais il faut qu’il lui soit arrivé quelque chose qui l’ait démonté aujourd’hui. Savez-vous ce qui a pu le bouleverser comme ça ?

— Pas le moins du monde : vous me surprenez. »

M. Pancks expliqua pourquoi il faisait cette question. Arthur fut fort étonné et tout à fait incapable de trouver la clef de cette énigme.

« Vous feriez peut-être bien de le questionner, dit Pancks, comme c’est un étranger dont vous ignorez les antécédents.

— À quel propos ?

— À propos de ce qui le tourmente.

— Il faut que je m’assure avant tout s’il a vraiment quelque sujet d’inquiétude, reprit Clennam. Je l’ai toujours trouvé si laborieux, si reconnaissant (pour bien peu de chose) et si digne de confiance, que je ne veux pas avoir l’air de le soupçonner, ce qui serait très-injuste.

— C’est vrai. Mais dites donc ! Savez-vous que vous ne devriez être le propriétaire de personne, monsieur Clennam. Vous y mettez beaucoup trop de délicatesse.

— Quant à cela, répondit Clennam en riant, je suis bien loin d’être le propriétaire de Cavalletto. Il gagne sa vie à faire des petites sculptures sur bois. Il a les clefs de la fabrique, il y couche toutes les deux nuits et en est en quelque sorte le gardien ; mais nous n’avons que peu d’ouvrage à lui donner dans sa partie, bien que nous lui réservions le peu que nous en avons. Non. Je suis plutôt son mentor que son propriétaire. Si vous disiez que je suis son conseiller intime et son banquier, encore passe… Mais, à propos de banquier, n’est-il pas étrange, Pancks, que ces spéculations risquées dont tout le monde parle trottent aussi dans la tête de ce petit Cavalletto ?

— Spéculations risquées ? riposta Pancks avec un reniflement. Quelles spéculations ?

— Ces spéculations de Merdle.

— Oh ! ces placements. Bon, bon ! Je ne savais pas que vous parliez de placements. »

La vivacité avec laquelle M. Pancks venait de répondre fit tourner la tête à Clennam, qui crut s’apercevoir que Pancks ne disait pas tout ce qu’il en pensait. Cependant, comme celui-ci venait de hâter le pas, en reniflant plus laborieusement que jamais, Clennam laissa tomber la conversation et ils arrivèrent bientôt chez lui.

Un dîner composé de soupe et d’un pâté aux pigeons, servi au coin du feu, sur une petite table ronde, et arrosé d’une bouteille de bon vin, parut graisser agréablement les ressorts du remorqueur. Aussi, lorsque Clennam alla prendre sa pipe orientale et qu’il offrit