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Le retardataire répondait :

« Ah ! monsieur Pancks, si j’étais ce riche gentleman dont tout le monde parle… si je m’appelais Merdle, monsieur… je vous aurais bientôt payé et avec beaucoup de plaisir encore. »

Les dialogues à propos des loyers avaient presque toujours lieu sur le seuil de la porte où dans les allées, en présence de plusieurs Cœurs saignants qui y prenaient un très-vif intérêt. Ils accueillaient toujours une allusion de ce genre par un murmure approbateur, comme s’ils voyaient là un argument irréfutable ; et le retardataire quelque décontenancé qu’il eût été auparavant, ne manquait jamais de se ranimer un peu en faisant cette réponse :

« Si j’étais M. Merdle, monsieur, vous n’auriez pas à vous plaindre de moi. Non, non, soyez-en sûr poursuivait le retardataire en hochant la tête. Je vous payerais si vite, monsieur Pancks, que vous n’auriez pas même besoin de me demander de l’argent. »

Que répondre à cela ? chacun trouvait qu’on ne pouvait pas mieux dire, et que cela valait quittance ou peu s’en faut.

M. Pancks se trouvait donc réduit à prendre note de ce retard, en disant :

« Allons ! vous recevrez la visite de l’huissier et on vous mettra dehors : voilà tout. Qu’est-ce que vous avez besoin de me parler de M. Merdle. Vous n’êtes pas M. Merdle, ni moi non plus.

— Non, monsieur, avouait le locataire. Plût à Dieu que vous le fussiez, monsieur.

« Vous seriez plus coulant avec nous, si vous étiez M. Merdle, poursuivait le locataire avec une nouvelle animation, et cela n’en vaudrait que mieux pour tout le monde. Pour nous comme pour vous, monsieur. Vous ne seriez pas obligé de nous tourmenter et de vous tourmenter vous-même par la même occasion. Vous seriez plus tranquille, et vous laisseriez les autres tranquilles, si vous étiez M. Merdle. »

M. Pancks, que ces compliments indirects avaient pour effet de rendre tout penaud, ne résistait jamais à cet assaut. Il ne savait plus que se mordre les ongles et se diriger en reniflant vers le retardataire le plus voisin. Le chœur se réunissait alors autour du débiteur que le facteur de M. Casby venait d’abandonner, et les rumeurs les plus extravagantes sur le chiffre de l’argent comptant que possédait M. Merdle circulaient parmi eux, à leur grande délectation.

Après une de ces nombreuses défaites que signalait un de ses nombreux jours de recette, M. Pancks, ayant achevé sa tournée, se dirigea, son calepin sous le bras, vers le domicile de Mme  Plornish. La visite de M. Pancks n’avait pas un but intéressé, c’était une simple visite de politesse. La journée avait été fatigante et il éprouvait le besoin de se remonter un peu. Il entretenait maintenant des relations très-amicales avec la famille Plornish ; il venait souvent se reposer chez eux en pareille circonstance, et payer son tribut de souvenirs à Mlle  Dorrit.