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sur le plat avec un mouvement nerveux, comme s’il ne voyait pas bien qu’il n’y restait plus rien… « Si bien donc que le gentleman me confia qu’il possédait un Jardin, quoiqu’il eût eu la délicatesse de n’en pas parler tout d’abord, sachant que les jardins… ahem… me sont interdits, Mais il m’en fit l’aveu lorsque j’admirai un très beau géranium… un magnifique géranium,… qu’il avait fait apporter de sa serre. Tandis que j’admirais les couleurs éclatantes de l’arbuste, il me montra une bande de papier qui l’entourait et sur lequel était écrit : Pour la Père de la Maréchaussée, et m’en fit hommage. Mais ce n’est,… hem… ce n’est pas tout. En prenant congé, il me pria instamment d’attendre une demi-heure pour ôter ce papier. Je… hem… le fis, et je m’aperçus qu’il renfermait… ahem… deux guinées. Je vous assure, monsieur Clennam, que j’ai reçu… hem…, des souvenirs de toute espèce et de diverses valeurs, et que ces… souvenirs ont toujours été… hem…, malheureusement fort acceptables : mais aucun ne m’a fait autant de plaisir que ce… ahem… souvenir particulier. »

Arthur était en train de dire tout ce qu’on peut dire en pareille circonstance, lorsqu’une cloche commença à sonner : on entendit alors un bruit de pas qui se dirigeaient vers la porte. Une jolie fille d’une taille plus avantageuse et plus développée que celle de la petite Dorrit, bien qu’elle parût beaucoup plus jeune de visage lorsqu’on les voyait ensemble, s’arrêta sur le seuil en apercevant un étranger, et un jeune homme qui l’accompagnait s’arrêta aussi.

« Fanny, je vous présente M. Clennam. Monsieur Clennam, je vous présente ma fille aînée et mon fils. Cette cloche annonce aux visiteurs qu’il est temps de se retirer et mes enfants viennent me dire bonsoir ; mais rien ne presse. Mes filles, si vous avez à vous occuper de quelque arrangement domestique, M. Clennam vous excusera. Il sait probablement que nous ne possédons ici qu’une seule chambre.

— Je n’ai que ma robe blanche à demander à Amy, père.

— Et moi, mes habits, » ajouta Tip.

La petite Dorrit ouvrit un tiroir dans un vieux meuble dont le haut formait une commode et le bas un lit, et en tira deux petits paquets qu’elle donna à son frère et à sa sœur. « Raccommodée ? » demanda tout bas l’aînée, et M. Clennam entendit la plus jeune répondre : « Oui. » Il s’était levé et saisit cette occasion pour jeter un coup d’œil autour de la chambre. Les murs étaient sans papier : ils avaient été peints en vert (évidemment par une main inhabile) : sur le fond on voyait pour toute décoration quelques pauvres gravures. Des rideaux aux croisées, un tapis sur le parquet ; des planches, des patères et autres commodités de ce genre que les années y avaient accumulées. C’était une petite chambre étroite, mal aérée et pauvrement meublée ; et la cheminée fumait par-dessus le marché : autrement, pourquoi en aurait-on bouché l’ouverture avec une plaque d’étain ? mais à force d’attentions et de