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autres phrases destinées à enlever à Clennam l’honneur de la découverte, et à assouvir la haine invétérée que la tante de M. Finching avait vouée à cet inoffensif gentleman.

Mais le désir qu’éprouvait la petite Dorrit de rejoindre son père, afin de lui communiquer la joyeuse nouvelle, et de ne pas le laisser un instant de plus dans sa prison, ignorant le bonheur qui lui arrivait, la ranima plus vite que n’aurait pu le faire tous les soins ou tous les médecins du monde…

« Menez-moi auprès de mon cher père ! Je vous en prie, venez lui apprendre cette bonne nouvelle, » furent les premières paroles qu’elle prononça.

Son père ! son père ! Elle ne parlait que de lui, elle ne songeait qu’à lui. Lorsqu’elle s’agenouilla et leva les mains pour rendre grâces au ciel, c’est par amour pour son père qu’elle le remerciait.

Le bon cœur de Flora ne put résister à ce spectacle, et elle versa, au milieu des tasses et des soucoupes, un torrent de larmes et de paroles.

« Je vous assure, dit-elle en sanglotant, que je n’ai jamais eu le cœur aussi déchiré depuis le jour où mon papa et votre maman… pas Doyce et Clennam, pour cette fois seulement… mais donnez donc à la chère petite une tasse de thé, et faites-lui en prendre un peu… Arthur, je vous en prie pas même durant la dernière maladie de M. Finching ; mais celle-là était d’un autre genre, car la goutte n’est pas une indisposition d’enfant, bien qu’elle soit quelque chose de très-pénible pour tout le monde… et M. Finching souffrait le martyre avec sa jambe sur un pliant ; et le commerce du vin, par lui-même est assez inflammatoire, attendu que ceux qui en vendent en boivent tous plus ou moins, comme de raison : ne dirait-on pas un rêve… rien du tout ce matin, et maintenant des mines d’or… mais il faut bien prendre quelque chose, ma chérie, autrement vous n’aurez jamais la force de lui raconter tout… que par petites cuillerées… ne vaudrait-il même pas beaucoup mieux essayer de l’ordonnance de mon médecin… car bien que l’odeur de l’alcool ne soit rien moins qu’agréable, je me force à prendre cette médecine et je m’en trouve bien… Vous aimez mieux n’y pas goûter… moi aussi j’aimerais mieux n’y pas goûter, mais néanmoins c’est un devoir que je remplis envers moi-même… Tout le monde vous félicitera, les uns sincèrement, les autres avec envie, beaucoup du fond du cœur, mais personne plus cordialement que moi (quoique je sache bien que j’ai le défaut de bavarder comme une pie), ainsi que vous le dira Arthur… non pas Doyce et Clennam pour cette fois seulement… Adieu donc, ma chérie, Dieu vous bénisse ! et puissiez-vous être heureuse, et pardonnez-moi cette liberté ; je fais ici le serment que nulle autre couturière ne terminera cette robe, qui restera telle qu’elle est en souvenir de vous, et que j’appellerai la petite Dorrit… bien que ce soit là un nom étrange que je n’ai