Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/410

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à manger d’en bas, tout en lisant le bulletin de la Bourse, et il ne saura pas que vous êtes ici… Quant à notre jeune amie vous savez qu’on peut se fier à elle, quand elle redescendra après avoir découpé son corsage sur la grande table d’en haut. »

Alors Arthur lui dit, aussi brièvement que possible, que c’était leur petite amie qu’il venait voir, puis il confia à Flora ce qu’il avait à dire à leur petite amie. À cette nouvelle renversante, Flora se joignit les mains et se mit à trembler, versant des larmes de sympathie et de joie, comme une bonne fille qu’elle était.

« Au nom du ciel laissez-moi m’esquiver d’abord, dit-elle, se bouchant les oreilles, et se dirigeant vers la porte, sans quoi je vais me trouver mal ou crier à mettre tout le monde aux cent coups, et la chère petite qui ce matin encore a l’air si gentil, si propre, si bon et pourtant si pauvre, et la voilà qui hérite d’une grande fortune… car, c’est bien vrai, n’est-ce pas ?… et elle le mérite bien ! et puis-je annoncer la nouvelle à la tante de M. Finching, Arthur, et non pas Doyce et Clennam, pour cette fois seulement ? cependant, si vous y voyez le moindre inconvénient, je m’en garderai bien ! »

Arthur accorda cette permission par un signe de tête, attendu que Flora continuait à se boucher les oreilles. Flora le remercia de même et s’empressa de quitter la chambre.

On entendait déjà dans l’escalier le pas de la petite Dorrit, et l’instant d’après elle ouvrit la porte. Arthur eut beau chercher à composer sa physionomie, il ne put donner à ses traits une expression assez ordinaire pour que la jeune fille ne laissât pas tomber son ouvrage en s’écriant :

« Monsieur Clennam ! Qu’est-ce qu’il y a donc ?

— Rien, rien. C’est-à-dire rien de mal. Je suis venu vous apporter une nouvelle, mais c’est une bonne nouvelle.

— Une bonne nouvelle ?

— On ne peut plus heureuse ! »

Ils se tenaient près de la croisée et les yeux rayonnants de la jeune fille étaient fixés sur lui. Il passa un bras autour de sa taille, voyant qu’elle était sur le point de perdre connaissance. Elle posa la main sur ce bras, en partie pour s’y appuyer, et en partie pour maintenir leurs positions relatives, afin qu’aucun changement d’attitude de l’un ou de l’autre ne vînt déranger le regard profond qu’elle fixait sur son compagnon. Ses lèvres remuèrent comme pour répéter : « on ne peut plus heureuse ? » Arthur redit tout haut ces paroles :

« Chère petite Dorrit !… votre père… »

Son pâle visage glacé se ranima un peu à ce mot, et fut traversé par quelques faibles lueurs d’expression, mais d’expression douloureuse. Sa respiration était faible et rapide. Son cœur battait très-vite. Clennam aurait resserré son étreinte, mais il vit que le regard de sa compagne le suppliait de la laisser comme elle était.

« Votre père peut être libre avant la fin de cette semaine. Il